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Doit-on combattre l’islamophobie ?

Doit-on combattre l’islamophobie ?

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On me pose souvent la question de savoir quelle est ma position concernant l’islamophobie. Je pense tout d’abord, qu’il faut obligatoirement faire la distinction entre les notions pour ne pas tomber dans les pièges contre-productifs que leurs sens -mal compris- peuvent créer. Nous faut-il vraiment combattre l’islamophobie ? C’est-à-dire les sentiments d’animosité et de haine contre l’Islam ? De manière générale, nous lancer dans une campagne de sensibilisation et de mobilisation visant à vouloir pénaliser/criminaliser toutes les opinions négatives contre cette religion et ce mode de vie ?

Ou bien, au contraire, ne faudrait-il pas combattre seulement les actes et paroles antimusulmanes ? Qui ne sont qu’autant d’attaques visant des individus ou institutions du fait de leur appartenance à une communauté religieuse, et qui portent atteinte aux musulmans dans l’intégrité de leur personne, de leurs biens, de leurs honneurs ? En toute honnêteté, il faut que le musulman saisisse cette nuance dont les implications sont importantes, tout en comprenant et en maîtrisant la nature de notre contexte français.

Dans le premier des cas, en luttant contre « l’islamophobie » on pourrait faire croire qu’il s’agit d’interdire à des personnes d’exprimer une opinion politique et religieuse, un choix idéologique, dans le sens d’interdire de dire : « je suis islamophobe, je suis un opposant à l’Islam, je combats cette religion d’un point de vue idéologique, théologique et philosophique car l’islam représente ceci ou cela… ».

En tout état de cause, si l’opinion est décrite de cette manière, il s’agit justement de la fameuse « liberté d’expression » protégée par des textes fondamentaux à valeur constitutionnelle :

« Article 10. – Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ».

« Article 11. – La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi » de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

De plus comment obliger un être humain à adopter une opinion positive, ou bien neutre, concernant l’Islam ? Rationnellement, humainement, et même islamiquement parlant ce n’est pas possible : « La haine qu’ils portent perce déjà dans leurs propos. Que dire alors de celle qu’ils cachent dans leurs cœurs. » (Coran 3.118) et  « Dieu a scellé leur cœur et leur entendement. De même qu’un voile leur barre la vue, et ils sont voués à un terrible châtiment. » (Coran 2.7).

C’est comme vouloir lutter contre une réalité d’institution divine, une chose qui existe d’elle-même depuis la révélation de l’Islam. De plus, dans une démocratie qui se targue de promouvoir la liberté d’expression, dotée d’une forte tradition anticléricale, d’un agnosticisme/athéisme virulent, d’une laïcité antireligieuse agressive, le combat n’est absolument pas pertinent, en plus d’être vain.

Car beaucoup ne savent pas, ne comprennent ce qu’est le « logiciel France » qui est islamophobe par essence. C’est un condensé entre la traditionnelle islamophobie catholique, l’islamophobie athée du progressisme matérialiste et l’islamophobie ethnico-racialiste. Lutter contre cette islamophobie c’est comme vouloir lutter contre la haine que les hyènes ont naturellement envers les lions…

De plus, beaucoup des musulmans qui se lancent dans cette stratégie, ne comprennent pas que l’islamophobie n’a historiquement jamais nuit à l’Islam, ne l’a jamais empêché de progresser, d’avancer, de gagner du terrain, dans les cœurs et les esprits de tous les êtres humains. Ce sont d’ailleurs très souvent les mêmes qui ont opté pour des stratégies politiques électoralistes avec le résultat que l’on connait.

Chez eux, mobilisation politique et lutte contre l’islamophobie vont de pair, l’une valide et nourrit l’autre, se servant d’arguments mutuels. Or cette « peur de l’islamophobie » chez les musulmans écrasés par la situation actuelle inhibe leurs consciences et joue le même rôle que la peur du terrorisme/immigration/islam pour le français moyen dont le système se joue.

Encore une fois : l’islamophobie n’est pas un problème (comme le prouve le nombre record de conversions en France et partout ailleurs). Sur le plan des idées il faut au contraire être prêt à la contradiction, la confrontation, aux débats, aux échanges, à la lutte, qui ne peut qu’affiner, renforcer et aiguiser, notre foi. Il ne faut pas se lancer dans l’interdiction d’une pensée qui nous est négative sous prétexte qu’elle nous prendrait pour cible : car ce serait la preuve que nous ne pouvons pas la vaincre, la preuve que nous sommes faibles, des sujets dont l’esprit et le cœur ont été vaincus.

Pour exemple : les dictatures du monde arabe (et la France dans une autre mesure) réprime fortement toute forme de pensée islamique politiquement et philosophiquement capable de renverser l’ordre sur lequel elles ont été bâties, car ces régimes savent qu’ils n’ont absolument pas les moyens idéologiques de lutter, dans le cadre d’une libre concurrence des dogmes.

Dans ce cas, pourquoi devrions-nous, en France, vouloir justement reproduire ce schéma de faible ? Écrasons plutôt l’islamophobie et les islamophobes par nos propres idées et notre propre argumentation, sans supplier l’Etat et les politiques de bien vouloir faire quelque chose pour nous, eux qui en tant que responsables pompiers-pyromanes se réjouiront d‘intervenir dans ce sens pour justement maintenir une tutelle paternaliste sur la communauté musulmane, et lui demander des gages de soumission encore plus contraignants…

Et puis finalement, est-il vraiment judicieux de vouloir pénaliser une opinion politique/idéologique ou philosophique qui ne fait que s’exprimer pacifiquement en respectant les intégrités de chacun dans le contexte français ? Certes la France est le pays le plus hypocrite du monde occidental qui légifère sur ce que l’on doit penser depuis la loi Gayssot et qui surprotège certaines minorités (juives et homosexuelles) au détriment d’autres…

Mais est-il pertinent pour les musulmans de participer à ce genre de processus ? Car protéger la liberté d’expression d’autrui c’est en réalité protéger sa propre liberté d’expression. Personnellement, du fait de mon identité musulmane et de ma totale imprégnation de la pensée islamique, je ne protégerai pas la liberté d’expression par amour de la liberté d’expression : mais par amour de ma liberté d’expression musulmane.

Car s’ils ont la liberté d’être islamophobes, nous devons avoir la liberté d’être « chirkophobe et kaffirophobe ». Et de la même manière que les plus « malins » d’entre eux nous explique gentiment qu’ils n’ont rien contre les musulmans en particulier et que c’est l’islam qui leur pose problème, nous devons dire : « nous n’avons absolument rien contre le mouchrik et le kaffir en tant qu’être humain et en particulier, mais c’est le koufr et le chirk qui nous posent problème ».

Cela de la même manière que certains ont dit « nous ne sommes pas antisémites mais simplement judéophobes »… De la même manière que certains ont dit jadis : « nous ne sommes pas antichrétiens mais anticléricaux »…. C’est sur ce combat-là qu’il faut s’investir car c’est justement le cœur de la liberté d’expression dans ses plus profondes subtilités qu’il nous faut acquérir.

C’est même l’un des chantiers les plus importants à occuper car c’est celui qui nous permet d’exposer librement la réalité de notre foi et de notre croyance, qui est d’ailleurs le critère suprême permettant de valider et de justifier au minimum notre présence en terre non-musulmane. Bizarrement et étrangement : c’est ce combat qui est le plus déserté par tous les « militants associatifs musulmans »…

Et au fond on comprend bien pourquoi : ils demandent un investissement et une cohérence islamique totale qu’ils n’ont malheureusement pas. Et malgré l’insulte et l’outrage que l’on ressent au plus profond de notre être de musulman : à quoi bon vouloir interdire dans un pays non musulman et de tradition antireligieuse comme la France, les caricatures sur le Prophète (ﷺ) ? Ne faudrait-il pas plutôt user de la même manière de cette liberté d’expression en caricaturant leurs Idoles ou du moins en démontrant rationnellement et intelligemment leur nullité ?

{Vous n’adorez que des idoles, en dehors d’Allah, et vous forgez un mensonge. Ceux que vous adorez en dehors d’Allah ne possèdent aucun moyen pour vous procurer nourriture}.

Et encore une fois l’issue de ce combat ne peut-être que gagnant : si nous usons de cette liberté à bon escient, nous atteindrons nos objectifs de consolider l’islam d’un point de vue intra-communautaire et capable de le défendre et de l’exporter en dehors de la communauté. Et si le système nous l’interdit avec des lois d’exception, hypocrites méprisant les fondements de leurs propres religions séculières, alors nous aurons démontré qu’elles ne valent rien (moins que ce qu’ils en disent) et nous sortirons d’autant plus renforcés par cette démonstration, qui confirmera ce que l’on avait toujours su et qui prouvera aux autres que nous n’avions pas tort.

En conclusion : il faut bien entendu lutter contre les actes antimusulmans, sans tolérer la moindre atteinte à nos droits déjà tellement réduits par le système politico-médiatique, mais non contre l’islamophobie, telle que nous l’avons définie. Il est donc possible de se mobiliser contre les actes antimusulmans et exercer une pression sur les politiques et les médias, pour qu’ils soient autant réprimés que les actes antisémites.

Mais cette distinction est essentielle pour élever nos consciences politiques dans ce pays et adopter une vision stratégique imparable qui servira au mieux nos intérêts, et ne plus réagir en petit animal politique guidé par ses émotions et ses peurs, et manipulés par des opportunistes de toutes sortes. Certains ont assimilé actes antimusulmans et islamophobie, et pensent lutter contre les premiers en usant à tort du second terme.

Face aux politiques et aux médias, ils doivent être extrêmement prudents, clairs et méticuleux dans leurs discours, pour ne pas se faire avaler comme un novice (encore une fois) par le vice du gauchisme qui déjà commence à adopter le concept d’islamophobie et pas pour notre bien…


Aïssam Aït-Yahya

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