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L’Islam militant, passé et présent

L’Islam militant, passé et présent

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A travers l’histoire de l’Islam on remarque, très souvent, que les époques troublées ont donné des musulmans et des musulmanes d’exception. Ces environnements hostiles, ces événements difficiles et douloureux produisent toujours une minorité d’individus dotés d’une Foi, d’une Raison et de qualités au-delà du commun de leurs semblables.

Car leurs regards, leurs intelligences, leurs interprétations et postures ont été aiguisés par le choix fatidique de leurs engagements. Ils sont le fruit d’une Histoire tout en étant l’un des moteurs de celle-ci, alors que la masse, soit soumise, soit collaboratrice, est toujours portée par le courant dominant et n’est en aucun cas capable d’orienter positivement le déroulement des événements.

La fatidique période de la fin du califat de Cordoue (1000-1050) ainsi que la première époque de taïfa [1] qui s’en suivit, fut une cassure irrémédiable dans l’Histoire musulmane d’Al Andalous : le choc politique, social, économique fut extraordinairement fort pour les contemporains, si l’on considère la rapidité du désastre.

En moins d’une génération, en moins d’une vie d’homme, on a pu connaître les fastes de la puissance musulmane ainsi que la misère et l’humiliation de la dislocation du califat, des guerres civiles et de l’occupation chrétienne castillane. Lisons certains passages tirés de chroniques des savants et lettrés de l’époque notamment celle d’Ibn Hayyan :

« La période précédente m’accorda un répit. A la suite de quoi j’en arrivai au début de cette abominable fitna […] qui disloqua notre concorde (jama’a), jeta par terre le solide royaume, et surpassa toutes les autres guerres civiles musulmanes. Son degré de monstruosité provoqua en moi un traumatisme qui me détourna de vouloir écrire son histoire... »[2].

De Abou ‘Obeyd Al Bakri :

« la fitna qui remonte au début des années 400 [1007] et qui perdure jusqu’à nos jours, en l’an 460 [1067] a effacé les traces de ces bourgades et transformé l’aspect de cette prospérité. La plus grande partie de la région de Cordoba est désormais inhabitée du fait de l’exil de ses habitants »[3]

ou d’Ibn Bassam :

« Allah sait que ce livre est le fruit d’un cœur blessé et d’une pensée affaiblie, en un siècle inconstant comme un caméléon. La cause est mon exil de Santarem, à l’extrémité de l’Algarve d’où j’ai émigré, dans la débâcle et la peur, après que les bandes chrétiennes, vague après vague sont venues à bout de l’homme de haut lignage comme du vagabond…»[4].

On est frappé par leur torpeur, se lamentant sur leurs villes dévastées, sur l’état de leur population, contrastant avec les parades des armées chrétiennes. Il y a le clan des lettrés, chuyûkh et oulémas qui se lamentent passivement comme nous venons de le voir, mais il y a aussi le clan des collaborateurs qui, tous, après la chute du califat, sont rentrés au service de tels émirs, de tels sultans, de tels ou tels walis, se partageant le califat comme un immense gâteau, se disputant des miettes, toujours prêts à se combattre mutuellement, mais toujours conciliants, généreux, affables, amicaux voire fraternels avec les royaumes et princes chrétiens qui dévoraient méthodiquement le Dar al Islam.

Ces courtisans et homme de pouvoir sont beaucoup trop nombreux pour être énumérés (de même qu’il sera impossible de tous les énumérer aujourd’hui…).

Les appels au jihad, à la reconquête et à la résistance ne rencontraient que très peu d’échos parmi la population, car rares étaient les chuyûkh andalous qui y appelaient. Encore plus rares étaient ceux qui y participèrent. Les chroniques ne signalent qu’un cas singulier et révélateur : le Cadi et cheikh ‘Ali Ibn Qassim Ibn ‘Achara. Remarquable, car il n’était justement pas andalou mais originaire de Salé au Maroc… Témoignant du fait que la plupart des mutawi’a (volontaires du jihad) n’étaient, ne venaient et ne viendraient que du Maghreb.

Cette seule information, quatre siècles avant la fin du dernier royaume musulman d’Andalousie en 1492, nous fait comprendre aujourd’hui, qu’Al Andalous, était bel et bien condamnée à disparaître. Parmi les militants, les insoumis, les rebelles, ceux qui n’acceptaient pas la fatalité, et qui luttèrent intellectuellement, par la plume, par le savoir, par la raison, par le texte contre le système pervers qui se mettait en place, et vers ceux à quoi il amenait inéluctablement l’ensemble de la société musulmane d’Al Andalous : il y avait Ibn Hazm Az-Zâhirî (994-1064). Sa vie entière fut passée à l’ombre de la décomposition du pouvoir califal et de l’effritement de la puissance musulmane.

Dès lors, il n’avait qu’une idée en tête, le rétablissement du Califat islamique légal, l’épine dorsale de la puissance musulmane, le critérium suprême de la légitimité politique musulmane. Ainsi il va s’engager dans une voie sans retour, périlleuse, difficile, et dangereuse, de celles qui hypothèquent les opportunités de carrière et de vie tranquille, rangée à l’abri des soucis de toutes sortes. Cette voie est celle de la critique radicale, de l’insoumission à l’ordre politique, de l’indépendance intellectuelle, basée sur un Islam total et sans concession. Très vite, il sait que l’épreuve va être difficile et même historique :

«…c’est une épreuve qui nous a été imposée qu’Allah nous en libère ! Une fitna vers le mal qui par bien des aspects serait trop long de rapporter, a détruit les pratiques religieuses sauf chez ceux qu’Allah a préservés » [5].

Et Ibn Hazm n’est pas du genre à se lamenter, mais à attaquer le cœur des problèmes, et comme la cause est politique, c’est tout le système politique qui s’est mis en place après le califat qu’il va remettre en cause, sans langue de bois, sans belles paroles soporifiques, sans autres excuses à faire dormir un insomniaque ; c’est clair et sans appel :

« la cause fondamentale en est que chaque responsable de ville et de forteresse partout dans notre andalous, du premier au dernier est un bandit de grand chemin, un agent de fasâd à travers le pays. Ce que vous constatez de vos propres yeux, ce sont leurs attaques contre les biens de musulmans gouvernés par un prince adverse, c’est la licence qu’ils octroient à leurs troupes de piller toute région […] c’est le fait qu’ils imposent aux musulmans des taxes non coraniques.» [6].

L’ordre islamique étant rompu, le dîn étant émietté, la population musulmane d’Al andalous se soumet aux caprices, aux passions des nouveaux potentats qui ne cherchent qu’à satisfaire leur soif de pouvoir personnel, elle se soumet donc à un nouvel ordre avec ses règles, ses lois et ses codes, en un mot à un nouveau dîn… Interprétation contemporaine diront certains ? Relisons alors Ibn Hazm :

« …c’est un scandale abject, une violation des lois de l’Islam, un démaillage, maille après maille, une création d’une nouvelle religion alors que les prérogatives appartiennent à Allah seul »[7].

Il est vrai que les mêmes causes donnent toujours les mêmes effets, et que les paroles les plus magistrales de nos prédécesseurs sont toujours celles qui nous donnent l’impression d’avoir été prononcées aujourd’hui. Ibn Hazm, comme Ibn Taymiyya trois cent ans plus tard, comme d’autres les siècles suivants, savaient et comprenaient très bien que la soumission des musulmans à un autre ordre temporel que celui de l’Islam, les « dés-islamisaient » au profit d’une autre religion.

Et Ibn Hazm disait déjà de ces détenteurs de la force militaire et donc souvent aussi de l’autorité politique que :

« s’ils apprenaient que dans l’adoration de la croix il y avait de quoi faire marcher leurs affaires, ils s’empresseraient de se convertir. Nous les voyons rechercher l’aide des chrétiens et permettent à ceux-ci de s’emparer des femmes des musulmans, de leurs enfants et de leurs hommes, emmenés en servitude dans leurs pays. Que de fois leur cèdent-ils des villes et des places-fortes, dont les chrétiens chassent l’Islam et qu’ils peuplent de cloches ! Qu’Allah les maudisse tous ! Qu’Il leur afflige le châtiment avec l’un de ses sabres» [8].

Mais que dirait donc Ibn Hazm s’il voyait l’état des nôtres actuellement, tous convertis aux religions séculières et soumis à ces nouvelles religions et qui participent de manière claire et consciente à la destruction de l’Islam au sein même des consciences musulmanes ? Ibn Hazm voulait ébranler les consciences, il voulait frapper fort les esprits de ses contemporains, les secouer violemment afin qu’ils réagissent.

Pour cela il a aussi compris qu’il fallait surtout s’attaquer aux sorciers et aux magiciens, non pas à ceux qui jettent des sorts en ayant recours à des forces obscures, mais ceux qui savent utiliser le savoir des mots et des paroles du savoir religieux, afin d’ensorceler les consciences musulmanes. Mettant en garde les musulmans contre ces fonctionnaires qui ont fait leurs demeures les antichambres des palais des tyrans partout dans le monde arabo-musulmans (ou ceux qui « squattent » les mairies, préfectures et ministères en France) Ibn Hazm écrit :

« Ne vous trompez pas ! Que ne vous égarent ni les iniques, ni les prétendus juristes qui habillent d’une peau de mouton un cœur de bête sauvage, qui décorent du nom de bien le mal des gens mauvais, et qui les aident dans leurs iniquités » [9].

Les œuvres d’Ibn Hazm débordent de ce genre de diatribes effrénées, de paroles aussi acerbes que tranchantes. Il luttait contre un système en décomposition menaçant de décomposer les musulmans eux-mêmes. Il faut dire que si le Maghreb n’était pas aussi proche d’Al Andalous, elle aurait été perdue par l’Islam bien avant 1492 encore… Et avec les Almoravides, les Almohades jusqu’aux Merinides, le Maghreb a envoyé durant trois siècles des centaines de milliers de volontaires au jihad cherchant à stabiliser le front…

Mais peine perdue, car à quoi bon stabiliser le front, si idéologiquement la bataille dans les consciences andalouses était déjà perdue ? Rappelons que toute la clique de roitelets andalous et leurs fonctionnaires assermentés étaient très réticents à faire appel aux Almoravides de Youssouf Ibn Tachfine : il faut attendre la prise d’une des plus grandes métropoles musulmanes, Tolède, pour que la population d’Al Andalous prenne peur. C’est sur une initiative de certains savants de Cordoue que fut prise cette décision, et sans prendre conseil auprès de leurs « Wali amr » ou « hukam shar’i ».

Ce n’est qu’après la bataille et la victoire de Zallaqa[10], que les imams et lettrés de toutes sortes se rallient en masse aux Almoravides (ce qui n’est pas sans rappeler certaines girouettes « professionnelles du ‘ilm » dans le monde arabe après la chute de Ben Ali, Kadhafi et Moubarak, auprès d’eux contre leur population, et finalement s’excusant de leurs erreurs de jugement et ralliant la réalité quand elle s’impose à eux…). Puis finalement, quand les rois d’Al Andalous comprirent que la récréation andalouse était finie, ils n’hésitèrent pas à vouloir s’allier aux chrétiens pour défendre leurs misérables trônes face aux Almoravides.

Ibn Al Kardabouss rapporte le dialogue qu’il y a eu entre le scrupuleux Youssouf Ibn Tachfine et les savants andalous qui lui déclarèrent :

« – Ces chefs [rois d’Al andalous], il est illicite de leur obéir et il ne faut pas qu’ils gouvernent, parce qu’ils sont des fusâq et des libertins (fajarra). Débarrasse-nous-en ! – Comment en aurais-je le droit ? J’ai conclu un pacte avec eux, de ne pas les renverser ?– S’ils avaient conclu un pacte avec toi, voici qu’ils l’ont rompu. Ils ont envoyé un message à Alphonse, au terme duquel ils se rallient à lui contre toi, afin de te faire tomber entre ses mains et lui céder leur pouvoir. Hâte-toi de les renverser tous ! Nous en serons responsables devant Allah. Si nous commettons un péché c’est nous qui devrons en rendre compte et non toi. Mais si tu les épargnes alors même que tu peux les vaincre, ils livreront le reste du pays aux chrétiens et c’est toi qui en sera responsable devant Allah ![11] »

C’est dire, que ces « grand imams » commencèrent à revenir à ce que Ibn Hazm écrivait quelques années auparavant :

« Il est vrai que ce verset : {Et celui d’entre vous qui les prend pour alliés est des leurs} doit être compris selon le sens apparent, et que celui-ci est donc un kâfir au même titre que les autres incroyants. Ceci est une vérité sur laquelle ne divergent pas deux Musulmans. »[12].

C’est peut-être ainsi qu’il faut comprendre le puissant militantisme social et politique d’Ibn Hazm, en tant qu’agent anti-dissolvant de la foi musulmane qui, s’il était entré aux services des plus puissants roitelets d’Al Andalous, en étant moins « radical » et plus conciliant, aurait pu réaliser une carrière plus prestigieuse encore que celle de son père auprès du célèbre Abi Amir Al Mansour. Toutes ces analyses sociales et politiques « radicales » ont été confirmées par d’autres, mais toujours en retard, tous n’avaient pas son regard visionnaire, tous n’étaient pas aussi engagés et scrupuleux.

Méditons tout cela, à l’aune de notre époque, et au filtre de notre propre réalité tant française qu’internationale. Certes, notre environnement politique et social oppressif n’est pas de la même nature que celui de l’époque d’Ibn Hazm qui ferait plutôt penser à ce qui se passe actuellement dans le monde arabo-musulman, et en Syrie particulièrement. Mais les acteurs sont les mêmes, il n’y en a toujours eu que trois grandes catégories :

– La minorité collaboratrice, conciliante, soumise, partie prenante de l’ordre établi, elle est institutionnalisée par le pouvoir, elle a seule la légitimité de la représentation de l’islam et des musulmans. L’hypocrisie et la traîtrise ne sont parfois même plus suffisants pour décrire certains d’entre eux, car ces qualificatifs supposent encore un minimum de conscience islamique. Ils finissent toujours par croire, tous, à leurs mensonges, qui au départ ne se nourrissaient pourtant que du « Juste Milieu » et de « Moindre Mal » et du néo-fiqh[13].

– La masse des musulmans du commun qui incline ici et là, subit, tombe souvent dans le fatalisme et la résignation, accaparée par son propre instinct de survie, par ses objectifs à court terme et la satisfaction de ses intérêts immédiats, contemplatrice et manipulable…

– La minorité active, militante, se basant sur des convictions inébranlables, active sur tous les fronts, éveillée à déjouer toutes les ruses, toutes les manipulations, appliquée à dénoncer le faux, le mensonge et les illusions. Ils ont le regard constamment rivé sur les horizons lointains, la raison en constante méditation, le cœur sensible, les mains tranchantes, une volonté d’acier : mais par-dessus tout, ils ont conscience qu’ils représentent le verrou d’une forteresse qui, s’il venait à être ouvert, serait conquise une fois pour toutes.

Qui sont les nouveaux Ibn Hazm[14] ? Qui avait donc tort ? De qui se souvient-on aujourd’hui ? Qui sont les volontaires (mutawi’ûn) à la stabilisation du front idéologique ?

Les temps corrompent, les volontés faiblissent, les dogmatiques finissent par être pragmatiques jusqu’à la lie, le « juste milieu » en est réduit au « juste selon la pensée conforme », et le reste est considéré comme radical. Mais finalement : qui est acteur de l’histoire et qui ne fait et ne fera que la subir ? Chacun d’entre nous est capable de réaliser ces analogies : ceux dont les consciences ont gardé un minimum de lucidité.

Ce qu’il faut retenir ici c’est que tout système politique qui domine un lieu à un moment donné de l’histoire, cherche à exclure, minorer et stigmatiser la minorité active et militante qui lui fait face. Ce système a le temps pour lui, il possède d’immenses moyens de persuasion, il sait bien que si ces interlocuteurs n’ont pas de bases solides, de fondements, de principes inaliénables, et poursuivent en plus des buts mondains, ils ne pourront que se résigner, infléchir, en un mot se soumettre, et les plus malins ou vicieux sont ceux qui arriveront à faire croire qu’ils résistent et qu’ils ne lâchent rien….

{Ils aimeraient bien que tu transiges avec eux afin qu’ils transigent avec toi} (Coran 4.120).


Mot de fin 

Quant à moi, en ces heures de compromission et de soumission tous azimuts à l’islam de France et à ses projets de réforme: que tous sachent que je ne transigerai pas avec les points de nos convictions et croyances ainsi que leurs implications, même si je reste absolument ouvert au dialogue, à la compréhension de ce contexte et de ses modalités et aux échanges.

Dès lors, il est clair que je suis perçu comme « radical » par certains, car refusant d’adopter le Juste Milieu définit par un système avec lequel je n’ai pas à avoir à transiger, si je ne le souhaite pas. La limite comme pour toute personne dans ce pays est la loi, rien que la loi, dont j’ai le droit « constitutionnel » mais aussi humain et incontestable de contester la légitimité (cela quand ce n’est pas le devoir islamique de le faire…).

Car elle est là aussi la véritable citoyenneté et son paradoxe : si nous sommes de véritables « citoyens » comme certains n’arrêtent pas de le répéter pour se justifier en s’humiliant #notinmyname, alors comme n’importe quel autre véritable citoyen natif de ce pays, j’ai le droit d’être un opposant critique acerbe à ce système sans me justifier autrement que parce que c’est mon droit ou « mon bon plaisir »…

Personne par exemple, n’ira dire à Alain Badiou qu’il n’est pas un bon citoyen français, car il est un « intellectuel dissident » farouche opposant à cette démocratie, ni à Emmanuel Todd parce qu’il n’est pas Charlie… Tout cela alors qu’un « intellectuel de la dissidence » vend de la soumission patriotique à sa meute de franco-maghrébins, mais ne tolérera justement pas qu’un de ceux-là use de ces mêmes droits dont il se sert, mais pour l’inverse si l’envie lui en chantait, en lui renvoyant sûrement à la figure ces origines bougnoulesques pour le rappeler à l’ordre « patriotique »…

Ainsi on remarque bien que la citoyenneté version Tarik Ramadan ou version Alain Soral est sensiblement la même : l’arabo-musulman citoyen doit montrer patte blanche, plus blanche que le reste des citoyens, pour soit être « intégré » ou soit pour être « patriote ». Ce que certains imams-prédicateurs nous martèlent aussi avec leur compréhension viciée et sans ‘izza du « montrer le bon exemple » : le bon exemple « islamisé » de citoyen soumis qui rejoint finalement le vieux ancien bon exemple de nos pères immigrés souriant et toujours serviable…

Qu’est ce qui change au final ? Absolument Rien, mais chez certains leaders d’opinion, l’optimisme naïf se nourrit de n’importe quel ridicule fait-divers « positif »  en éludant les évolutions sociétales clairement antimusulmanes, et les autres mouvements de fonds, du genre tel mairie a finalement accordé un permis de construire pour une mosquée ou Lindsay Lohan lit le coran « #leschosesavancent ».

Ma conception de la citoyenneté est tout autre, si toutefois elle existe vraiment pour nous : elle est totalement différente et décomplexée et se veut « expérimentale » car elle se mesure justement par l’utilisation maximale de son droit à la critique et à la subversion ! C’est aussi comme ça qu’on la mesure réellement, et que l’on est capable de dire si elle existe vraiment, ou bien alors si elle n’est qu’un odieux mensonge de plus ! Mais là, sur ce créneau, il n’y a pas beaucoup de monde pour tester la réalité de cette citoyenneté.

Notre expérience, la réalité que nous vivons tous, les faits-divers et affaires d’État, nous montrent déjà où se trouve la vérité. En plus de nous dire qui est le proche de cette vérité, qui est le naïf et qui est le menteur manipulateur. Alors certes, l’adjectif radical sera utilisé pour mes positions et mes conclusions (en attendant le jour d’être contredit par les faits et par des idées).

Ibn Hazm, modèle historiquement radical dont j’ai exposé ici les positions historiques, n’est qu’un nom parmi d’autres, comme des milliers d’autres noms de notre histoire. Un de ces noms que certains nains actuels nous disent qu’il faut laisser dans nos bibliothèques et oublier, pour les suivre eux, imams et chuyûkh de la réforme, qui luttent contre ses idées « radicales ». Et dans ce cas j’invite les lecteurs à comprendre que l’adjectif « radical » dans un environnement tel que le nôtre est tout sauf une insulte, en lisant ce qu’en disait le politologue allemand Hans Herman Hope :

« En fait, il ne faut jamais avoir la moindre hésitation à s’engager dans un radicalisme (« extrémisme ») idéologique. Non seulement tout le reste serait contre-productif, mais plus important encore, seulement les idées radicales, en effet, des idées radicalement simples peuvent remuer les émotions des masses ternes et indolentes. Et rien n’est plus efficace, pour persuader les masses, que de cesser de coopérer avec le gouvernement et que d’exposer de façon constante et sans relâche, la dé-sanctification et le ridicule des gouvernements et de ses représentants comme des fraudes morales et économiques : empereurs sans vêtements sujets au mépris et cibles de toutes les moqueries »[15].


Aïssam Aït Yahya

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[1] Taïfa, littéralement partie ou morcellement (de l’arabe ملوكالطوائف) les royaumes « morcelés ». Après la chute du califat de Cordoue, une multitude de principautés, royaumes et émirats se constituèrent sur ses ruines. Indépendants les uns des autres, ils se formèrent toujours autour de grandes cités-Etats (Cordoue, Séville, Grenade, Saragosse, Tolède, Valence, etc.), désunies et en luttes fratricides constante, on peut voir la période de Taïfa comme celle de la fitna par excellence dont seuls les Chrétiens tirèrent profit. Il y eut dans l’histoire d’Al andalous, trois périodes dites de Taïfa. Celle de l’époque d’Ibn Hazm fut la première (1031-1086), elle se poursuivit jusqu’à la réunification des Al Mourabitoun.
[2] Ibn Hayyan (987-1076), historien andalou. Passage rapporté par Ibn Bassam dans Dahira T2, page 576. (وأنسأتنيالمدةإلىأنلحقتبيديمنبعثهذهالفتنةالبربريةالشنعاءالمدلهمة،المفرقةللجماعة،الهادمةللملكةالمؤثلة،المغربةالشأوعلىجميعمامضىمنالفتنالإسلامية،ففاضتأهوالهاتعاظماأدلهنيمنها،نفسالخناق،وبللالرماق؛فاستأنفتمنيومئذتقييدمااستقبلتهمنأحداثها؛)
[3] Abou Obeyd Al Bakri (1014-11094), faqih, géographe et botaniste.
[4] Ibn Bassam (décédé en 1148), Al dakhira fi mahasinahl al jazira, T1, p.19. (وعلماللهتعالىأنهذاالكتابلميصدرإلاعنصدرمكلومالأحناء،وفكرخامدالذكاء،بيندهرمتلونتلونالحرباء؛لانتباذيكانمنشنترينقاصيةالغرب،مفلولالغرب،مروعالسرب؛بعدأناستنفدالطريفوالتلاد،وأتىعلىالظاهروالباطنالنفاد،بتواترطوائفالروم،علينافيعقرذلكالإقليم؛وقدكناغنيناهنالكبكرمالانتساب،عنسوءالاكتساب،واجتزأنابمذخورالعتاد،عنالتقلبفيالبلاد؛)
[5] Rissalatou Ibn Hazm. ( فهذاأمرامتحنابهنسألاللهالسلامة . وهيفتنةسوءأهلكتالأديانإلامنوقىاللهتعالى . لوجوهكثيرةيطوللهاالخطاب)
[6] Ibid( وعمدةذلك؛أنكلمدبرمدينةأوحصنفيشيءمنأندلسناهذه،أولهاعن
آخرهامحاربللهورسولهصلىاللهعليهوسلم،ساعفيالأرضبالفساد . للذيترونهعيانامنشنهمالغاراتعلىأموالالمسلمينمنالرعيةالتيتكونفيملكمنضادهم . وإباحتهملجندهم
قطعةالطريق. ضاربونللجزيةوالمكوسوالضرائبعلىرقابالمسلمين . مسلطونلليهودوالنصارىعلىقوارعطرقالمسلمين . معتذرونبضرورةلاتبيحماحرماللهغرضهممنهااستدامةإنفاذأمرهمونهيهم)
[7] Ibid. ( وهذاهوهتكالأستارونقضشرائعالإسلاموحلعراهعروةعروة،وإحداثدينجديد،والتخليمناللهعزوجل)
[8] Ibid. ( واللهلوعلمواأنفيعبادةالصلبانتمشيةأمورهملبادرواإليها،فنحننراهميستمدونالنصارىفيمكنونهممنحرمالمسلمينوأبنائهمورجالهميحملونهمأسارىإلىبلادهم،وربمايحمونهمعنحريمالأرضوحسرهممعهمآمنين،وربماأعطوهمالمدنوالقلاعطوعاًفأخلوهامنالإسلاموعمروهابالنواقيس،لعناللهجميعهموسلطعليهمسيفاًمنسيوفه)
[9] Ibid. (فلاتغالطواأنفسكم،ولايغرنكمالفساقوالمنتسبونإلىالفقه،اللابسونجلودالضأنعلىقلوب
السباع. المزينونلأهلالشرشرهم .الناصرونلهمعلىفسقهم)
[10] ou Bataille de Sagrajas. Remportée en 1086 par les Al-Mourabitoun et les Andalous. Elle stoppe les avancées chrétiennes permises par la chute du Califat de Cordoue.
[11] Rapporté par Ibn Khaldoun, Kitāb al-ʻibar et Ibn al Kardabous dans Tarikh al Andalous.
[12] Al Mouhallahbilathar, T11, p138.
[13] Voir sur le blog le texte « Les minorités musulmanes ou comment le pseudo-réformisme détruit l’islam »
[14] Ibn Hazm est mort (rahimahullah), près de 20 ans avant que les Al-Mourabitoun n’arrivent en Andalousie. Bien qu’il fut un farouche partisan du califat des Omeyyades et que Youssouf Ibn Tachfine reconnaissait la légitimité du califat abbasside (puisque les Omeyyades n’existaient plus…). Nul doute qu’Ibn Hazm aurait été de leurs partisans. Peu avant sa mort, les musulmans subissaient défaite sur défaite et nombre d’offensives chrétiennes, notamment de Ferdinand Ier de Léon et de Castille. Plusieurs places fortes et villes sont prises, avec massacres, réductions en esclavage et expulsions des populations musulmanes (Ferdinand impose le tribut au roi de Saragosse, envahit Tolède, prend la place stratégique de Coïmbra et gagne la bataille de Graus).
[15] In fact, there must never be even the slightest wavering in one’s commitment to uncompromising ideological radicalism (“extremism”). Not only would anything less be counterproductive, but more importantly, only radical—indeed, radically simple—ideas can possibly stir the emotions of the dull and indolent masses. And nothing is more effective in persuading the masses to cease cooperating with government than the constant and relentless exposure, de-sanctification, and ridicule of government and its representatives as moral and economic frauds and impostors: as emperors without clothes subject to contempt and the butt of all jokes” Hans-Hermann Hoppe, Democracy—The God that Failed: The Economics and Politics of Monarchy, Democracy, and Natural Order, New Brunswick, N.J.: Transaction Publishers, 2001), p94

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