La colère gronde en Algérie mais qui en a la responsabilité ?
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Tout était prévisible : le cinquième mandat d'un pseudo-président, malade et impotent était une immense provocation, une insulte à la jeunesse algérienne et à son peuple (ou du moins sa partie lucide). C'est le déni de toute morale et éthique politique, un mépris même à l'égard d'une personne pour qui je n'ai absolument aucune sympathie.
Aucune sympathie pour lui ("La religion à Allah mais la Nation à tous"[1] disait-il quand il avait tous ses esprits...) ni de sympathie envers ces généraux qui dirigent l'Algérie en sous-main, ces anciens petits sergents de l'armée coloniale française2 qui n'ont pas hésité à organiser des massacres de masse pour punir les algériens d'avoir voté le FIS ( ''S'il faut exterminer 3 millions d'Algériens pour rétablir l'ordre..'' disaient-ils)3.
Tous représentent la cause postcoloniale française, les défenseurs d'une Algérie française devenue juste ''indépendante'', un Etat-nation sécularisé bâti sur le modèle et les valeurs français, qui tolère par folklorisme l'islam et sa pratique, tant qu'il n'a pas de vocation politique ("L'islamisme politique ne peut pas marcher et n'a pas le droit de cité dans ce pays'' disait encore le Bouteflika sain de corps et d'esprit)4.
Ce cinquième mandat était une pure provocation, mais non délibérée, car un cartel de généraux pensait pouvoir faire avaler la pilule en douceur. C’était sans compter la résistance d'autres clans, et sous-estimer la grogne populaire.
Les Algériens ne demandent même pas l'impossible en réalité, beaucoup toléreront la continuation de cette pseudo-démocratie avec ses élections truquées, mais ils veulent juste avoir un autre guignol à la place de Bouteflika, plus présentable. L'humiliation d'avoir un impotent muet, inconscient, paralysé, pour chef d'Etat renvoyant l'image d'une Algérie momifiée est logiquement insupportable.
Les généraux et la mafia politico-militaire espéraient sans doute que le chaos libyen et la guerre civile syrienne allaient calmer les ardeurs de changement, selon la règle bien connue des tawaghit les plus vicieux et les plus jusqu'au-boutistes : "C'est moi ou le chaos", (d'ailleurs s'ils sont chassés du pouvoir, tout est toujours très bien fait pour ne pas le laisser dans de bonnes conditions, mais établir tout un système postrévolutionnaire anarchique pour punir le peuple).
Certains adeptes de la pensée pathologique maghrébine se fourvoient déjà dans les thèses complotistes, "les forces du mal veulent le chaos en Algérie" ou "la main étrangère"... Car il est vrai que la "superpuissance algérienne" leur fait tellement peur... Une Algérie, pleine de gaz, mais dont la puissance économique n'est même pas capable de dépasser le PIB du.... Portugal (qui n'a ni gaz ni pétrole), quant au PIB/Hab, IDH ou aux nombres de brevets déposés, de publications scientifiques ou de simples livres édités, n'en parlons même pas, l'humiliation est suprême : elle ne peut rivaliser qu'avec ses piteux voisins arabes, c'est-à-dire proche du néant.
La psychopathologie maghrébine pensera à toutes sortes de causes superficielles car elle nie les causes fondamentales, les sunan d'Allah, les règles sociologiques et politiques qui font que les révoltes naissent toujours de systèmes à bout de souffle, de l'injustice, de la misère sociale, de la tyrannie et de l'autoritarisme, du manque d'espérance en une vie meilleure pour soi et les siens, de la gabegie, de la corruption, de la trahison des élites etc...
Les prêcheurs du talafisme murjite en fin de vie tenteront toujours de recycler leurs pseudo-arguments morts-vivants en confondant khourouj et baghy, la plupart par ignorance crasse et d'autres par vice manipulateur, ceci en niant l'histoire politique du sunnisme qui a vu des milliers de révoltes populaires naître de causes que nous avons déjà évoquées. Aucune argumentation théologique n'a jamais été capable de faire taire une révolte depuis plus de 1000 ans!!!...
Mais ils continuent encore et encore, sans relâche, sans chercher à désamorcer les causes réelles qui les font naître, sans chercher à réfléchir islamiquement sur des procédures pertinentes de résolution des conflits sociaux-politiques... Ils n'ont pas de réponse et ne peuvent pas en avoir, le ''patience vis-à-vis de l'injustice'' ou ''l'obéissance aux détenteurs du pouvoir'' n'a jamais eu beaucoup de résultats et ne dure qu'un temps, l'histoire est encore là pour en témoigner. Depuis plus de 1000 ans dans le monde sunnite, des centaines de révoltes ont fait tomber des dizaines et dizaines de dynasties, émirats, de royaumes et de califats ou sultanats...Tous le fait de kharijites marginaux et ultra minoritaires dans le monde musulman ?
C'est l'un des plus intolérables et des plus insultants mensonges de notre temps sur l'Islam sunnite ! Les livres d'histoire sont remplis d'exemples d'imams, de cadis, de fuqaha, de cheikhs, d'al Andalous ou d'Irak, de Baghdâd ou de Damas, du Caire ou Fès, de Kairouan ou de Tunis, de Marrakech ou de Tlemcen, malikites, hanafites shafiites ou hanbalites qui ont relayé la gronde légitime des populations et qui ont participé à la chute d'un règne au profit d'un autre.
Certains grands imams parmi les salafs et leurs successeurs, interdisaient même la répression ''policière et militaire'' des révoltés et de jeter de l'huile sur le feu, si leurs revendications étaient basées sur des droits légitimes... D'autres énonçant que la révolte n'est finalement que le dur et naturel châtiment de l’oppresseur : tous ne niaient pas les causes politiques et sociales, ni leurs conséquences et comprenaient très bien la nature simplement humaine de ces mouvements.
L'irja abjecte qui ment sur la religion d'Allah, en manipulant hadith et fiqh, pour protéger l'inacceptable n'a plus aucune crédibilité théologique, ils ont été capables de défendre par des grossièretés des tyrans laïques qui se sont accaparés le droit de légiférer dans l'absolu, qui ont mis en place des constitutions illégitimes, des systèmes républicains ''bâtards'' ni démocratiques ni islamiques, qui annulent la shari'a par des lois humaines copiant le système occidental, ils ont été capables de limiter le shirk et le tawhid qu'à ce qu'ils désiraient, ils ont été capables de revenir sur la définition d'al iman et d'al koufr en inventant ce que les salafs n'avaient jamais dit, écrit et imaginé.
Aujourd'hui ils appellent à se soumettre à un vieil handicapé contredisant la majorité des juristes énonçant que le chef d’état doit être sain de corps et d'esprit...Leur seule arme dissuasive, alors que toutes leurs argumentations religieuses ont été dévoilées, est la peur légitime des populations musulmanes envers le chaos et l'anarchie.
Comme je l'ai évoqué dans Texte Politique N°2, le sunnisme contemporain semble aujourd'hui sclérosé à cause de certains blocages politiques majeurs qui n'ont pas été solutionnés depuis des lustres en ne cherchant constamment que des réponses juridiques pragmatiques à l'instant T qui ont accéléré la décadence civilisationnelle de l'islam.
Et nous avons encore ceux qui le coincent entre deux positions extrêmes : soumission totale et immobilisme d'un côté, anarchie et guerre civile de l'autre. Ce piège est celui dans lequel les imbéciles de l'Islam nous enferment pour le plus grand plaisir des ennemis de l'Islam. Comme si nous n'avions le choix qu'entre l'autoritarisme et l'anarchie ! Nous sommes de plus en plus nombreux à ne plus accepter cette fatalité et à ne pas vouloir nous soumettre à cette position de renonciation, par dépit, par faiblesse, par peur, par calcul d’intérêt et autres.
Ceux qui pensent que l'obéissance et la patience résoudront les maux, sont juste ceux qui veulent repousser l'explosion politique et sociale à plus tard, ce sont ces mêmes personnes dont la réflexion ne va pas plus loin que leurs propres intérêts personnels. C'est-à-dire que tant que tout va bien et pour le mieux, pour eux, leurs familles dans leur espace-temps personnel, le reste peu importe. Peu importe si la situation dégénère pour ces causes non résolues tant que cela a lieu plus tard et ailleurs.
On comprend ce sentiment humain, enfantin en réalité, et qui pousse au raisonnement simpliste. La sécurité des biens, des personnes, des familles, de leurs affaires et commerces, de la situation sociale et politique, en un mot : la stabilité générale est une nécessité fondamentale pour la vie humaine en société. Mais si c'est au détriment de principes supérieurs absolus, juste pour garantir les intérêts mondains de la dounya déguisés par de petits arguments islamiques : on risque de faire un dangereux pari historique pour l'avenir de l'islam et du monde musulman, dans lequel dounya et akhira risquent même d’être totalement perdus.
D'ailleurs, rappelons que l'Algérie avait connu son propre ''printemps'' dans les années 1985-1990 avant tous les autres pays arabo-musulmans. La victoire électorale du FIS, le coup d'Etat de 1991 soutenu par la France du Président Mitterrand (ancien ministre de la Justice lors de Algérie française !), la guerre civile, l'émergence de groupes armées, infiltrés, déviés par des vrais-faux extrémistes (ou faux-vrais!) et manipulés par la sécurité militaire, et qui ont d'abord décimé les rangs et éliminé les tenants d'une alternative islamique crédible : tout ceci est encore présent dans les mémoires des plus avertis.
Les tombes des 250 000 morts des années 90 sont encore fleuries...Mais la victoire militaire et politique du FLN a-t-elle solutionné quelque chose en réalité ? les Algériens ont-ils eu peur de cet exemple historique récent pour ne pas sortir dans la rue et ne pas manifester contre le régime ?
Entre 1999 et 2019 : 20 ans de paix relative qui ont juste servi à entasser les problèmes sous les bureaux des bureaucrates pour finir par déborder. Rien ne change, car chaque nouvelle génération se confronte toujours au même problème qui n'a pas été solutionné précédemment, aucun talafisme mourjite nourri de milliards de pétro-$, aucun prêche favorable aux tawaghits arabes ne sera assez puissant pour changer la réalité de ce que les opprimés vivent et ressentent, de ce qu'ils finissent toujours par comprendre aussi forts soient la manipulation et l'endormissement. Aucune marmite ne résiste à la pression si la tension ne s’échappe pas, fut-elle construite en ''adamantium'', elle explosera tôt ou tard.
Malheureusement dans le pays du ''Mouvement des Oulémas'', ces agitations populaires, soudaines et protéiformes, ne sont encadrées par aucune réflexion islamique globale de cet ordre, réflexion devant venir d'une élite musulmane, qui aurait dû se diffuser. Les services de sécurité ont d'ailleurs réagi en kidnappant le vieil Ali Belhajj en béquille ne représentant aucune menace et déjà astreint à un régime spécial.
Malheureusement, ces foules sortent islamiquement non formées et non éduquées car l'islam n'a été utilisé que comme vecteur d'apaisement social et de contrôle politique, soporifique et sans force motrice ou dynamique; même le théorique ''tasfiya wa tarbiyya'' devant éduquer les masses par les prédicateurs, s'est révélé n’être en pratique qu'un tassawouf fil irja complètement végétatif. Le mouvement islamique semble absent dans son rôle de direction des mouvements populaires, à force d'avoir prêcher l'abandon de la politique, ce sont d'autres ''religions'' qui en ont profité.
Les imams fonctionnaires travaillant pour l'Etat-FLN sont dépassés et inaptes à assurer leur rôle de leader, mis à part la minorité d’indépendants qu'Allah a préservé. Leurs adversaires ont été artificiellement musclés, les récupérations du mouvement seront nombreuses et à craindre. Gauchistes, nationalistes, libéraux, laïques, berbéristes, tous plus ou moins issus de la matrice du FLN, parti unique en décomposition, toutes ces forces ont travaillé le peuple algérien, l'ont profondément divisé, même s'il est unanimement avide de changement.
Le peuple algérien est le dernier peuple arabo-musulman à se décoloniser mais le premier à connaitre son printemps arabe et un épisode de mini-guerre civile avec un retour à la case départ : paradoxalement il peut être celui qui a atteint une certaine maturité pour ne pas basculer dans les deux extrêmes et avancer timidement mais sûrement vers un juste milieu salvateur.
Mais il lui faut sortir de la nature schizophrénique de son système qui cultive par populisme un anti-occidentalisme tout en prenant pour modèle la France, ayant prôné l'arabisation mais faisant grande place à la culture française, affichant folkloriquement l'islam mais semant les graines de la laïcité française. Tout ceci a un impact même sur la psychologie algérienne trop longtemps nourrie d'une mythologie nationale qui a juste recopié en jalousant la mythologie française, et tiraillée entre plusieurs forces intérieures très contradictoires.
Etre dans la Prudence, garder une Patience, construire Pertinence pour acquérir de la Puissance.
Et Qu'Allah fasse triompher les intérêts de l'Islam et de ses adhérents où qu'ils se trouvent.
Aïssam Aït-Yahya
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1 https://www.youtube.com/watch?v=t835QKOiKds
2 https://www.youtube.com/watch?v=YGTNihCF6Hk
3 Il s'agit de la parole du général Ismaïn AL AMARI selon le témoignage du colonel Samraoui exilé jusqu'a maintenant, le nombre 3 millions est symbolique, il s'agit du double du nombre officiel des martyres algériens durant la révolution contre la France coloniale voir : https://www.youtube.com/watch?v=dHNq_cAnA5c.
4 https://www.youtube.com/watch?v=t835QKOiKds
Salam,Cher frère je souscris et signe des deux mains ton article !Peux-tu écrire le même article aussi sévère pas plus sévère (bien que) sur amir al mouminins au Maroc ???Pourrais-tu nous faire part de ta réflexion au sujet de toutes ces révoltes et soulèvements qui se déroulent au Maroc avec des morts ( et je ne pense pas spécialement au Rif) !!!Et pourtant pas un mot dans aucun média (sionisé) !
J'oubliais !Tu aurais pu aussi rappeler que ce ramassis de corrompus, dépravés, voleurs, athées et j'en passe ... en Algérie, (je suis sérieux), n'ont jamais envoyé aucun de leurs soldats participer à aucune coalition pseudo "internationale" contre leurs frères arabes et musulmans (ex : Irak, Yémen ...).Je ne suis pas sur que beaucoup de pays arabo-musulmans puissent en dire autant (voir le voisin de l'Ouest) !Salut fraternel : FI IMAN ALLAH.