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Comment l'attentat de Strasbourg révèle le strabisme politico-médiatique

Comment l'attentat de Strasbourg révèle le strabisme politico-médiatique


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Dans un contexte très différent, dans lequel les hommes politiques sont transparents, où l'Etat de droit prime sur la petite raison d'Etat et où les médias sont responsables de leurs informations, il existerait une conscience collective saine et objective, un bon sens commun qui aurait empêché toutes les dérives et fuites en avant possibles. Que cela soit celles des médias, de l'opinion publique ou celles des politiques.

Et une affaire similaire à celle de Strasbourg aurait simplement été considérée comme du droit commun. Mais en France souvent, pays modèle de l'Occident, dans tout ce qu'il a de plus critiquable, les choses sont évidemment inverses à ce qu'elles devraient être. Plusieurs points très simples et irréfutables sont à rappeler, des faits remarquables à souligner, qui illustrent un mécanisme bien huilé et bien français. Cette affaire, encore une, nous permet de résumer ces points :

1/ En France, tous les services concernés (politique, justice, police, médias) sont en proie à un état de surexcitation et d'hystérie collective, passionnelle voire sensationnelle, dès qu'une affaire met en scène un ou des individus "arabo-musulmans". Terrorisme c'est évident, mais aussi de simple faits sociétaux quand ce ne sont pas directement des ''faits divers'' érigés en affaire d'Etat. Tout cela bien loin de la rigueur, de la hauteur que l'on attendrait de professionnels.

2/ Les conditions d’attribution de la fameuse fiche S (fiche de police axée sur le renseignement et la surveillance) concernant justement les musulmans sont extrêmement vastes, tant elles sont larges et floues. Elles reposent sur la subjectivité la plus totale, clichés et ignorances flagrantes. Les critères de radicalisation retenus peuvent faire théoriquement entrer plusieurs centaines de milliers de français dans ces fiches.

Tout type de comportements qui peut juste déplaire à la doxa nationale, tout type de paroles stigmatisées, sans même parler des fréquentations (famille, amis, quartier, travail, mosquée) peuvent être une cause. Si bien que la fiche S (malgré ses différentes déclinaisons), le nombre de fichés ne faisant que croître (entre 25 et 30 mille), ne correspondent plus à rien.

3/ Ainsi dans cette situation où le nombre de fichés S ne cesse de croître, les lois statistiques, ajoutées à la sociologie de notre communauté, font qu'il sera de plus en plus fréquent qu'un délinquant ou qu'un criminel soit fiché S pour radicalisation islamique. D'ailleurs, l'individu de Strasbourg aurait été fiché suite à un comportement en prison: qu'a-t-il réellement dit ou fait pour mériter cette fiche S ? Prières assidues ? Paroles provocantes ?

Dès lors, et désormais: les actes portant atteintes à la sécurité des biens et des personnes de n'importe quel délinquant et criminel d’origine arabo-musulmane, abusivement fiché S, sera justement et abusivement considéré comme du terrorisme.

4/ Dans cette configuration, l’hyper inflation du nombre de fiche S fera croître mathématiquement et artificiellement le nombre de prétendus actes de terrorisme: nourrissant le cercle vicieux Politique-Média-Opinion ciblant une communauté et augmentant la pression politique et sociale sur elle. Une communauté dont les plus fragiles et les marginaux seront encore plus susceptibles de passer à l'acte ou de voir leurs ''faits divers'' transformés en affaire nationale, et ainsi de suite...

5/ La probabilité de ces pseudo attentats augmentant, les occasions de les lier directement à la vie politique intérieure ou au contexte international en seront facilitées. Le complotisme anesthésiant les capacités d'analyses réelles deviendra une banalité, voire une norme si évidente que seuls les ''fous'' oseront apporter d'autres vues.

6/ Finalement, à l'heure actuelle, dans le contexte politique et social que l'on connait, nombreux sur les réseaux sociaux sont ceux qui y voient un acte ''terroriste musulman'' qui sera une aubaine pour Macron et son gouvernement afin de pouvoir réorienter l’opinion publique vers la ''Sécurité'' au lieu du pouvoir d'achat. Affaire qui sera donc vue comme une conspiration politique venant directement de lui.

La limite de ce raisonnement est justement ici le timing extrêmement minuté, le lendemain d'un discours très attendu qui n'a pas enchanté les foules. Une affaire ''tombée du ciel'' dans le bon contexte et au bon moment, presque ''trop parfaite'', pour véritablement soutenir une vraie théorie du complot. Certains l'avaient même ''prédit'', d'autres vicieux en avaient même rêvé...

Pourtant, le véritable problème est le mécanisme décrit auparavant. Le fait que le Procureur de la République de Paris énonce qu'un fameux ''ALLAH AKBAR'' a été entendu, donc preuve à charge, achève de confirmer la dangereuse configuration que je viens de décrire.

Arrivera le jour où le simple braquage de banque qui fera des victimes ou le go-fast finissant en course-poursuite fatale, l'arrestation d'un dealer de shit qui dégénère, tous fiché S pour pseudo radicalisation islamique, seront considérés comme du Terrorisme, avec le traitement médiatique, policier et judiciaire spécial de ces dossiers, dans lequel l'arabo-musulman est condamné d'avance, avec une condamnation qui n'a plus rien de commun.

Ainsi c'est encore un peu plus faire sombrer l'ensemble d'une communauté (même ses délinquants et criminels) dans une judiciarisation spécifique, l'exclure du droit commun pour un droit spécial, et d'ailleurs tout spécialement mis en place pour elle. C'est toute une dangereuse configuration dans laquelle les services juridico-policiers et le système politico-médiatique enferment la communauté musulmane française.

Si bien que même l'arrestation d'un délinquant de droit commun deviendra une chasse à l'homme où il n'y a quasiment aucune chance d'attraper vivant cet individu qui se sait acculé et se sait décrit comme un terroriste.

Dans un contexte très différent, dans lequel les hommes politiques sont transparents, où l'Etat de droit prime sur la petite raison d'Etat et où les médias sont responsables de leurs informations, il existerait une conscience collective saine et objective, un bon sens commun qui aurait empêché toutes les dérives et fuites en avant possibles. Que cela soit celles des médias, de l'opinion publique ou celles des politiques...Et l'individu se rendrait ou serait arrêté ou tué, mais sans faire l'objet d'une mise à mort, avec un usage facilité et disproportionné de la force.

Mais certainement il mourra, abattu comme on tue militairement un combattant ennemi, et alimentera cette machine bien huilée bien française.... Et il alimentera le petit complotisme politicien pour ne pas voir les réelles et dangereuses problématiques politiques.



Aïssam Ait-Yahya

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