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Todd, psychothérapeute de la société française 5/7]

Todd, psychothérapeute de la société française 5/7]

Todd, psychothérapeute de la société française
Ou Comment guérir de la pathologie laïcité ? [5/7]

[...]

Bâtir un pont entre une France au fanatisme religieux laïco-athée et un Islam neutralisé

La conclusion, plus modeste, se propose de retracer sommairement les trois grands axes ou temps de son exposé, ce que la France était, ce qu’elle est, et les deux choix qui s’offrent à nous. Il insiste d’abord sur l’irréalisme de l’imposition aux musulmans d’un dogme républicain que les Français eux-mêmes oublient apparemment ne jamais avoir pu imposer aux leurs. C’est une contradiction en soi qui dénoterait le caractère profondément raciste de tels positionnements qui sont parfois dissimulés dans les discours pseudo-patriotiques de notre époque.

En d’autres termes, le caractère pluriculturel de la France a permis l’épanouissement des individus, en vertu d’un processus que la théorie jacobine n’avait nullement prévu. L’homogénéité laïque du passé est un fantasme total. La théorie véhiculée aujourd’hui par le laïcisme radical est une pure fiction. Ce que l’on exige aujourd’hui des musulmans ne fut jamais obtenu des catholiques, malgré plus de cent ans de conflits violents, incluant les 200 000 morts de la guerre de Vendée.

Je laisse donc l’analyse finale de notre société par l’auteur, une nation identifiable par son hypocrisie totale et son totalitarisme qu’elle n’avoue pas, son régime dictatorial qui prétend encore respecter ses propres idéaux fictifs qu’elle a maintes et maintes fois trahis (Liberté – Égalité – Fraternité), mais surtout et avant tout par sa lâcheté incomparable et remarquable, par laquelle elle s’illustre en s’assurant que celui qu’elle prend pour ennemi ne rendra pas les coups. C’est pourtant avoir bien trop sous-estimé l’adversaire. Les générations qui arrivent regorgent de ressources et de compétences à ne plus savoir qu’en faire. Ça tombe bien.

Le néo-républicanisme est une étrange doctrine, qui prétend parler la langue de Marianne mais définit dans les faits une République d’exclusion. Durant les trente dernières années, la montée en puissance de la périphérie catholique zombie de l’Hexagone et l’entrée en crise du centre laïque, l’une combinée à l’autre, ont abouti à un basculement : la périphérie désormais domine, et avec elle son indifférence ou même son refus de la valeur d’égalité. Les régions qui ont soutenu la monarchie, puis la droite conservatrice, et enfin Vichy, sont aux commandes. En tant que système organisé, la France a changé de nature. 

Indépendamment de tout problème d’adaptation des populations dont il est la religion d’origine, l’islam est bien le bouc émissaire d’une société qui ne sait plus quoi faire de son incroyance et qui ne sait plus si elle a foi en l’égalité ou en l’inégalité. De cette confusion a émergé le discours néo-républicain, qui exige laïcité et unanimité. L’omniprésence des mots laïcité et République, ces vingt dernières années, révèle d’ailleurs le déclin du véritable sentiment républicain. Comme il est fréquent, la vérité s’avance masquée par sa propre négation.

La néo-République, plus proche de Vichy dans son concept que de la IIIe République, exige de certains citoyens un degré intolérable de renonciation à ce qu’ils sont. Le musulman, pour être reconnu comme un bon Français, doit ainsi admettre que blasphémer sur sa propre religion est une bonne chose. Ce qui revient à lui demander, en vérité, de cesser d’être musulman. Des idéologues à grands tirages évoquent la déportation comme une solution.

Comme Vichy, la néo-République n’est pas un système national indépendant. Elle n’est qu’un morceau d’un système multinational complexe, l’Europe, ou plutôt, comme le suggère honnêtement Valéry Giscard d’Estaing par le choix du titre de ses livres, l’Europa. L’Europa n’est pas une association de nations libres et égales, un élargissement au continent d’une conception française. L’Europa est un système hiérarchique dominé par une nation, l’Allemagne, tandis que les autres se répartissent selon une gradation fine allant de la servitude volontaire de la France à la servitude tout court des pays du Sud. L’existence de l’Europa a fait de la grande manifestation du 11 janvier un phénomène régional, qui s’est déployé dans l’une des provinces du système. Mais le centre de gravité de l’islamophobie est ailleurs, réparti selon deux cercles géographiquement décalés.

La dynamique islamophobe est, pour une part, caractéristique de l’ensemble de la zone euro, elle-même structurée par ses provinces catholiques zombies de tempérament inégalitaire. Cette islamophobie de type C (comme catholique) est un peu modérée par un reste du sentiment universel hérité de l’Église, mais elle tend à être dopée par l’échec de l’euro, qui rend les couches dominantes anxieuses et les lance à la recherche d’un bouc émissaire, l’islam évidemment. Les classes dirigeantes de la zone euro auraient sans doute préféré la russophobie, xénophobie idéale des élites. Mais il manque deux caractéristiques aux Russes pour constituer un bouc émissaire satisfaisant : une présence physique importante à l’Ouest et, surtout, la faiblesse. Taper sur des immigrés venus de la Méditerranée apparaît tout de même moins risqué que d’affronter l’armée russe.

Le deuxième cercle, celui de l’islamophobie de type P (comme protestante), est situé plus au nord et ne se confond pas avec la zone euro. Mais le protestantisme, s’il a bien légué sa dynamique éducative à sa descendance zombie, lui a également transmis son rapport foncièrement négatif à l’universel. Depuis un bon moment déjà, le protestantisme zombie agit en Europe – aux Pays-Bas, au Danemark, en Allemagne du Nord et de l’Est – comme un catalyseur de l’islamophobie.

Le système néo-républicain est dominé par des classes moyennes qui ne souffrent pas trop encore de la crise du système économique. Elles ont pris le contrôle de l’État social français et accepté de sacrifier l’industrie et le monde ouvrier. Inquiètes, elles manifestent des signes d’instabilité idéologique. On sent une montée progressive en leur sein de l’islamophobie. Les musulmans, catégorie fantasmée, deviennent ainsi pour elles un deuxième problème, à côté de celui des milieux populaires. Le combat de la bonne conscience devient double. Il lui faut désormais lutter contre le populisme et contre l’islamisme.

Charlie vient de démontrer sa capacité à protéger son mode de vie et ses croyances. La grande manifestation néo-républicaine du 11 janvier fut marquée du sceau de l’hystérie, de la densification mais aussi de l’expansion puisqu’une reconquête des catégories intermédiaires fut réalisée à cette occasion.

Il envisage donc enfin deux solutions alternatives à la crise actuelle. Soit l’affrontement contre l’Islam, qui mènerait la France à son auto-exclusion du reste du monde à cause de l’exubérance de son islamophobie incontrôlable et néfaste à la collectivité mondiale qui la critique déjà pour son manque de tact et de moralité dans le respect de l’autre (USA, Inde, Russes, Japonais, Chinois). Soit un accommodement avec l’Islam qui serait théorisé sur deux points résumés comme suit :

1- Le droit au blasphème est absolu et doit être défendu, ses pratiquants doivent être protégés et défendus, de même que ceux qui refusent de s’y adonner ne doivent être ni accusés ni suspectés en tant que sympathisants du terrorisme ou mauvais Français.

2- L’assimilation est l’objectif ultime, ses modalités passent par la multiplication des mariages mixtes, l’effacement des différences religieuses par la prédominance du scepticisme religieux et de la libre pensée, ainsi que l’égalité homme-femme qui « doit être, dans l’espace républicain, un article de foi. »

En conséquence, l’interdiction du foulard islamique dans les établissements scolaires, qui symbolise l’égalité des femmes et l’exigence française d’exogamie, est une bonne chose. Elle fut une étape positive et reste nécessaire.

Cette volonté de sécularisation des musulmans présente chez lui, le mène naturellement à vouloir accepter les musulmans pour mieux les séculariser et régler une fois pour toutes le « problème musulman », tout comme le catholicisme s’est dissous par évitement de l’affrontement qui n’avait plus raison d’être. Il remarque en s’en réjouissant que de toute façon plus personne n’applique les principes stricts du Coran à la lettre à notre époque, même dans les pays dits musulmans, il y a donc des raisons de penser que c’est en bonne voie.

Il s’agit finalement, par réalisme et nécessité, d’admettre pleinement, joyeusement, qu’il existe désormais, dans la culture française, dans notre être national, une province musulmane. Il s’agit aussi d’éviter une nouvelle guerre de Vendée, cet affrontement qui avait contribué à solidifier le catholicisme. C’est un catholicisme accepté qui s’est spontanément dissous au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

En bon sceptique optimiste, il s’empresse de conclure que ce qui sauvera le monde (et plus particulièrement la France) sera sans doute un peu de légèreté, nécessaire selon lui pour contrecarrer les délires dogmatiques de tous ceux qui justement prennent tout cela bien trop au sérieux.

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