Le Médecin des cœurs à la rescousse [2/4]
Le Médecin des cœurs à la rescousse
Série de rappels, par un de nos contributeurs, inspirés des écrits de l'imâm Ibn Qayyim al-Jawziyya
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A ce stade, comment ne pas faire appel aux compétences d’Ibn Qayyim Al Jawziyya pour nous éclairer et désopacifier le sujet. Reprenons graduellement la thématique de la désapprobation divine. Dans ses écrits, le « Médecin des cœurs » s’emploie à proposer diverses classifications des péchés. Les typologies proposées alternent selon la gravité, nature ou conséquences de l’acte commis. Au-delà du distinguo entre majeur et mineur, classer les péchés suppose d’en déterminer au préalable l’origine.
1 - La réponse exhaustive : quatuor opérant entre mégalomanie et animalité
Dans son inénarrable et si célèbre « Al Jawab ul Kafi »[1], aussi connu sous l’intitulé « ad Da-u wa Dawa », l’auteur rappelle que, fondamentalement, les péchés n’ont que deux origines : l’abandon d’un commandement, ou l’accomplissement d’un interdit. Par ces deux moyens, double face d’une même médaille, Allah éprouve Jinn et être humain. De même, il est possible de parler de péchés apparents, qui se manifestent via les membres, et de péchés invisibles, relatifs au cœur.
On peut également parler de droit d’Allah et droit des créatures, bien que chaque droit de la création découle du droit d’Allah et y est rattaché, mais pareille distinction sert à souligner que, contrairement à celui d’Allah, le droit d’une créature peut être cédé, dès lors que l’individu consent d’y renoncer, bien qu’il soit obligatoire de s’en acquitter s’il le réclame.
Quoi qu’il en soit, il est possible de ramener tous les péchés à quatre grands ensembles :[2] ceux relatifs à la seigneurie, les sataniques, assimilables aux bêtes féroces,[3] relevant de l’instinct bestial[4]. Ibn Al Qayyim les explore et définit tour à tour brièvement, mettant en exergue l’imbrication et le lien d’ascendance que chaque ensemble entretient avec le précédent.
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La première classe, la plus élevée, consiste à disputer les qualités régaliennes, seyant à Allah, pour les attribuer à autrui, y compris soi-même, d’où sa gravité. L’idolâtrie compte parmi les infractions de ce type, mais s’y adjoint tout attribut seigneurial,[5] se transformant en défaut fatal chez l’être humain, tel la majesté (‘azama), l’hubris (kibriya) de par sa démesure, le sentiment de toute-puissance (jabarut) en tant que fantasme lié à la folie des grandeurs, la coercition tyrannique (qahr), la transcendance (‘uluw), l’asservissement (isti’bad) inique de ses pairs, ou transgressions similaires. Plus subtil, le fait de parler sur Allah sans science relève de ce même bloc.
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La deuxième classe englobe tout vice assimilable à Shaytan, comme la jalousie néfaste, la transgression, la tromperie, la rancune, la traîtrise, le complot, le fait d’encourager et enjoliver la désobéissance à Allah, détourner de Son obéissance tout en forgeant des hérésies, jusqu’à appeler à l’hétérodoxie et la déviance, voie caractéristique de l’égarement. On remarque la continuité entre cette catégorie et la précédente, bien que les méfaits de cette dernière soient moindres.
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Vient la catégorie des crimes découlant de l’échauffement de l’âme débridée, dans la violence, via la colère et tout ce qui mène à l’effusion de sang, l’oppression des faibles, le fait de causer torts et dommages à l’intégrité des biens et des personnes, sous notre autorité ou pas, dans l’injustice stricte et crasse, menaçant de basculer dans la catégorie supérieure.
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Enfin, la tentation incarnée par l’inclination bestiale comprend tous les désirs intrinsèques chez l’homme, que signe son instinct de préservation, ou participant à la perpétuation de l’espèce qui, sans le cadre de la législation et le respect des limites légales, mènent inévitablement à nombre de délits notoires. L’appétence naturelle pour la nourriture, la chair, la conservation du plaisir et l’évitement de la souffrance, comptent parmi les voies aidant à protéger la vie, mais peuvent conduire à toutes sortes d’infractions dont la majorité des individus, ne pouvant échapper à leur nature profonde et condition première, peinent à éviter les écueils, sans nécessairement veiller à les accomplir au sein des frontières sacrées de l’islam. L’humanité, tout entière exposée à cette ultime catégorie, grandit et vit dans le conflit permanent face à ces actes, dont le danger principal est de servir de marchepied vers les catégories suivantes.
L’avantage de ce modèle est qu’il permet d’identifier le processus d’écrémage dans l’enracinement du mal. Selon le degré de rébellion et de détermination à enfreindre les limites légales, à force d’efforts pour se hisser au-dessus de ses congénères et accroître son injustice, l’individu franchit parallèlement les barrières de chacune des classes de péchés.
Tant que la flamme maléfique qui le meut et le dévore de l’intérieur, continue à consumer son cœur et sert de carburant à ses élans funestes, à mesure que son âme s’imprègne, s’empilent les ténèbres et se propage la noirceur. Semblable situation est, paradoxalement, aux antipodes, et pourtant assez proche, de l’exemple du croyant, à ceci près que le réceptacle où l’on verse ce dont s’alimente le cœur, reçoit en lieu et place de l’obscurité, la Lumière du Seigneur.
La différence notable entre cette classe basique et les supérieures, se situe dans la posture initiale face à ces dernières. Dans la catégorie servant de socle à l’être humain, on le voit passif et exposé malgré lui à diverses tentations « encodées » dans son ADN. La seule marge de manœuvre offerte se limite à résister, juguler le flux de désir pour l’évacuer raisonnablement, voire éventuellement pour les meilleurs d’entre les serviteurs, le sublimer pour l’investir ailleurs.
La seconde classe de pulsions bestiales, plus féroces et nuisibles que les premières, s’emboite partiellement avec l’autre, ce qui permet d’envisager une dichotomie entre les péchés d’ordre bestial, plus ou moins inhérents à l’humain, et l’union des deux classes supérieures, vers lesquelles l’homme doit se diriger de lui-même, en pleine conscience. Le libre arbitre, seul, admet que dans sa finitude et son éphémérité profonde, l’homme ose malgré tout enclencher une dynamique active pour rivaliser d’abord avec le diable, puis avec Dieu, en quête de grandeur, dans sa course effrénée vers les cimes de la perdition [éternelle].[6]
Les deux premiers niveaux correspondent donc à toutes les descriptions lisibles dans le Coran et la Sunna, martelant à tue-tête les dispositions à la colère, l’ingratitude, la polémique et la dispute, l’empressement, l’oubli et l’insouciance, typiques de l’être humain, si rien ne vient y faire obstacle et les réprimer. Caractère consacré, qu’aggrave ou parfait le contexte, à travers lequel se manifeste la confirmation de ces tourments par le cœur, la langue et les membres.
A titre d’exemple, colère et jalousie, mensonge et vulgarité, violence et meurtre, ne sont que le prolongement de ce continuum ontologique qu’Allah et Son Messager nous demandent d’endiguer, par l’éducation et la répression des instincts. Précisons qu’il serait plus approprié de parler de « maîtriser », plutôt que « réprimer » ses instincts, puisqu’en dernière instance, l’islam ne les blâme point, encourage même à les assouvir en vue de l’épanouissement du fils d’Adam, mais indique les moyens adéquats pour ce faire.
Les deux niveaux suivants, quant à eux, ne sont en rien comparables, puisqu’en plus du fait de devoir s’y diriger en adoptant une attitude active et déterminée pour y parvenir, chaque être humain ressent spontanément la gêne face à ces vices dans son cœur. Il doit alors s’entêter et se voiler la face, avant d’aller plus loin et franchir les étapes trompeuses de cette illusoire élévation qui scelle son déclin.
2 - De l’Amour d’Allah à la passion : entre confusion et pulsions
Reprenons le fil initial de cette réflexion autour de la distinction à opérer entre les formes de détournement d’Allah. A ce stade, le rapport et les différences entre les ensembles précités deviennent évidents, mais approfondissons encore, par le recours à une autre œuvre précieuse de l’auteur. Si l’on se réfère à son « Ighathatu Lahfan min Masayid ash shaytan »,[7] dans la seconde partie de l’exposé, Ibn Al Qayyim consacre une série de sections où il se met à étudier la notion d’amour, selon qu’il rapproche d’Allah ou en éloigne, en fonction des objets et personnes périphériques à qui le serviteur voue ce dernier.
La « fitna », tentation ou épreuve, fonctionne en regard de l’amour, et sera étudié parallèlement avant de se voir développée par après. Le problème avec l’amour, est de bien l’investir. Dans le cas contraire, dissocié d’Allah, il devient la porte d’entrée principale vers le polythéisme.
S’il fallait le diviser, trois types d’amour sont profitables : l’amour d’Allah, en Allah et pour Allah. A contrario, aimer avec Allah, aimer ce qui Le fâche ou nous prive de Son amour, est néfaste en soi. Sans l’assistance bienveillante du divin protecteur, même les plus pieux sont exposés à la tentation, tel Yusuf dans le récit de ses épreuves, ou les figures tutélaires du soufisme qui s’attachent et prétendent aimer femmes et éphèbes pour Allah.
Ce qui les conduit à la turpitude, d’où la succession de réfutations qu’Ibn Al Qayyim leur dédie, afin d’annihiler toute ambiguïté en la matière.[8] Ce détour lui permet de distinguer, parmi les types et variétés d’amour, le « ‘ishq » du « hubb », et évoquer les degrés et dérives auxquelles conduit l’entretien des ambiguïtés dans le cœur et l’esprit du sujet, à renfort d’exemples et arguments scripturaires.
En définitive, tout bien considéré, l’essentiel de ces incartades trouvent leur racine dans le fait de consacrer l’amour, peu ou prou, à autre qu’Allah. Il convient donc de rappeler les avertissements du Coran disséminés au fil des sourates, tel le passage d’Al A’raf (v.27-33) mettant en garde les fils d’Adam contre le diable, ou encore l’extrait de sourate Al Kahf et bien d’autres versets et hadiths traitant de ce point.
Ceci car, malgré notre prédisposition à adorer et unifier Allah, l’Homme, toutes catégories confondues,[9] se fourvoie immanquablement, rendant nécessaire la venue de Prophètes, revivifiant la « fitra », luttant contre la corruption de la [prime] nature saine. Nous voici arrivés à l’embranchement de deux thèmes.
D’une part, la poursuite de l’analyse sur l’attachement excessif à cette demeure périssable, puis l’introduction de la « fitna » au sein de l’équation, pour mieux cibler la cause de ces maux, idolâtrie comprise, entre doutes et désirs concupiscents. La « fitna » en tant qu’épreuve, possède diverses vertus énumérées dans les Ecritures. Souvent citée, notamment dans les sourates Al Furqan et An Naml, l’une de ses fonctions est la distinction, le discernement.[10]
Distinguer entre le véridique et le menteur, le croyant et l’hypocrite, le vertueux de l’abject, entre celui qui adoptera l’endurance comme bouclier contre lui-même dans l’épreuve, ou celui que l’on éprouve et par qui l’on met à l’épreuve,[11] est une sagesse, une miséricorde manifeste. Ainsi, l’endurant se démarque, l’hôte du brasier se démasque, par des effets visibles dès cette demeure, avant même la destination finale.
3 - Fitna versus fitna : l’aveugle face à l’animal
Où donc nous conduit l’auteur par ce déroulé de leçons édifiantes ? L’opposition et la subdivision décisive. D’abord, l’éclaircissement attendu sur la tentation (fitna) à laquelle l’homme s’expose inévitablement lors de son entrée dans l’existence, se divisant en deux types : les épreuves et passions relatives aux confusions (shubuhat), puis celles relevant des pulsions instinctives (shahawat).[12]
Rien n’est pire ni n’équivaut le péril de la confusion, siège de la passion (hawa), lit de l’innovation, tombeau de la perdition. Les longues pages que l’auteur consacre aux dangers et implications de chacune des deux impasses, font écho aux propos synthétiques de Sa’di et son exégèse. L’éclosion de la confusion ne connait d’autre floraison que la passion, que Sa’di définit comme incapacité d’accéder à la vérité.
Son émergence voit faner la clairvoyance (basira), s’atrophier la connaissance qui, désormais, est comprise de travers et se transforme en mirage. Son emprise, lorsqu’elle survient, altère les intentions et visées initiales de l’être, dont l’intellect impacté par ce mal, se consacre à de viles tentatives d’ajustement, entre ses désirs personnels et les Textes, dans l’espoir de faire concorder ce qui jamais ne se rejoint.
{Si la vérité était conforme à leurs passions, les cieux, la terre et ceux qui s’y trouvent seraient, certes, corrompus. Au contraire, Nous leur avons donné leur rappel. Mais ils s’en détournent.} [Sourate 23, verset 71]
{Ils ne suivent que la conjecture et les passions de leurs âmes, alors que la guidée leur est venue de leur Seigneur.} [Sourate 53, verset 23]
Cette « fitna » sert de passerelle vers la mécréance et l’hypocrisie. Elle est d’ailleurs caractéristique des hypocrites et des gens de l’innovation, du fait que son incidence première s’incarne dans l’inversion du vrai par le faux, de la guidance par l’égarement. N’est susceptible d’en réchapper que celui qui s’agrippe fermement à la voie du Prophète, puis ne juge que d’après ceci, dans l’intégralité de ses affaires, quel que soit le sujet.
La guidée tout entière s’incarne dans ses paroles et actions, et tout ce qui s’en éloigne n’est qu’égarement.[13]
Ce même rapport étroit unit ces deux penchants, l’un relevant de la « dunya », l’autre de la « hawa », à ceci près que la base de cette tentation majeure, représentée par le vice destructeur et passionnel faisant office d’œillères, provient d’un seul et même biais : donner la primauté à l’opinion sur la législation, à la passion sur la raison.
Par ailleurs, les conséquences diffèrent. Les « shubuhat » empêchent d’atteindre la certitude (yaqin), les « shahawat » font obstacle à l’obtention de l’endurance (sabr) ; conditions dont la réunion est nécessaire pour celui qui tend vers l’imamat. Occasion rêvée pour l’auteur de citer son maître,[14] retranscrivant un propos qu’il avait également rapporté dans « Madarij us Salikin » :
J’ai entendu le Shaykh de l’islam Ibn Taymiyya, qu’Allah sanctifie son âme, dire : « [C’est] par l’endurance et la certitude que s’établit l’imamat en religion », puis se mettre à réciter Sa Parole – exalté soit-Il - :
{Et nous avons désigné parmi eux des meneurs qui guidaient [les gens] par Notre ordre, aussi longtemps qu’ils demeuraient endurants, et convaincus de Nos versets (ayat, signes).} [Sourate 32, verset 24]
De même, la sourate Al ‘Asr condense ce principe à travers le fait d’enjoindre la vérité, qui fait obstacle aux « shubuhat », et la patience, qui délivre des « shahawat ».[15] Tout comme nombre de propos attribués aux Salaf, allant dans ce sens.[16]
Avant d’aller plus loin, car l’auteur va commencer à initier le lien avec la notion de guidée, récapitulons en deux points les grandes lignes vues jusqu’ici :
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Les « shubuhat » : facteur d’hérésie.
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Les « shahawat » : facteur de paralysie.
En vue de traiter ces affections spirituelles et rationnelles, Ibn Al Qayyim insère deux nouvelles notions dans la discussion : guidance et miséricorde. En plus de s’avérer être la source par laquelle l’individu accède à la félicité (sa’ada) et au salut (falah), la recherche de « huda » et « rahma » agit en remède contre les deux maux précédents.
S’il fallait en décrire les effets, un personnage coranique l’incarne à merveille, il s’agit d’Al Khadir, cité dans sourate Al Kahf (S.18, v.65), sur qui Allah répandait miséricorde et connaissance,[17] de même que les Gens de la Caverne (S.18, v.13-22), au sujet desquels Allah affirme leur avoir non seulement accordé la miséricorde, mais également la guidance, à rapprocher de la voie droite (الرشد),[18] expression citée également dans ce récit.
En effet, ce principe de guidée (rushd, rashad) englobe la science bénéfique et le fait d’agir selon elle. Un peu à l’image des termes « islam » et « iman », lorsqu’on trouve guidée (rushd, rashad) et guidance (huda) isolément, ils s’incluent mutuellement. Par contre, s’ils sont cités conjointement, la guidance renvoie à la science authentique, et la guidée représente l’action en découlant.
Tout comme, a contrario, on peut résumer leur opposé en le définissant en tant que fourvoiement (ghayy) et suivi des passions (hawa). D’ailleurs, on peut remarquer qu’Allah oppose la guidée à ce qui nuit (darr) et au mal (sharr), à l’instar du témoignage livré par un Jinn croyant, avant qu’Allah ne réponde dans la même sourate :
{Aussi ne savons-nous guère si les habitants de la Terre sont voués au malheur ou si leur Seigneur veut les mettre sur le droit chemin.} [Sourate 72, verset 10]
{Dis-leur : « Je ne détiens aucun pouvoir de vous nuire ni de vous guider.} [Sourate 72, verset 21]
Plus encore, Allah va jusqu’à opposer directement la guidée au fourvoiement, tel que nous en informe ce passage du Coran :
{J’écarterai de Mes signes ceux qui, sans raison, s’enflent d’orgueil sur terre. Même s’ils voyaient tous les miracles, ils n’y croiraient pas. S’ils aperçoivent le bon sentier, les voilà qui s’en écartent obstinément ; mais à la vue du sentier tortueux, ils s’y engagent résolument. [Sourate 7, verset 146]
La raison en est simple : le fourvoiement n’est rien d’autre que l’antithèse de la guidée, dont le mal (darr) et la corruption (sharr) ne sont que l’aboutissement et les fruits ; tout comme la miséricorde et le salut (falah) sont le parachèvement de la guidance et ses fruits. Dans le Coran, Allah oppose systématiquement la guidance à l’égarement, au châtiment, à la sédition, l’affliction et autre, qu’Il réunit ensemble pour les décrier, quand Il établit ponts et parallèles entre guidance, salut, miséricorde, etc.[19]
Ceci dit, afin de faire le lien avec ce qui fut dit précédemment, rappelons que c’est d’ « al yaqin » que dépend l’éligibilité à la guidance spécifique réservée à ses partisans par Allah. Par la guidance, on se retrouve sauf et à l’abri de l’égarement. La miséricorde contribue à sauver du malheur et du châtiment. Combinés, ils rendent possible la station du voisinage et la proximité divine, ainsi que l’ennoblissement de l’âme. De célèbres Compagnons en furent la preuve vivante.
Rien de tout cela n’est accessible ni envisageable sans le concours et la clémence d’Allah, car pour cerner les contours de la nature humaine et ses velléités contradictoires, mieux vaut laisser la parole à l’auteur. En effet, dès lors que l’individu tente de s’extraire de sa condition humaine, de renier sa nature profonde, pour se hisser à l’aide de ses seules forces en direction d’Allah, inévitable est l’échec qui l’attend. L’homme est une créature faible, incapable de se suffire à lui-même, ni de comprendre son propre intérêt sans faillir et céder aux caprices de l’âme.
Il faut s’en remettre à Allah et chercher assistance auprès de notre Maître, afin de contrer nos instincts, de nous éduquer par Son Livre, de nous modeler sur l’exemple de Son Prophète (prière d’Allah et paix sur lui). Allah nous connait mieux que personne, nous souhaite un bien supérieur à ce qu’une mère espère pour son enfant. Rien n’est équivalent à l’amour qu’Il nous voue, à Sa miséricorde. Il est temps de l’admettre, car dès l’instant où le serviteur prétend déterminer les tâches qui lui incombent, les ambitions qu’il doit combler, les objectifs qu’il doit atteindre, les moyens d’accéder au bien ici-bas et dans la demeure éternelle, il vient de s’engager sur une pente glissante, dont personne ne revient.
Citation : [20]
وهذا غاية الجهل والظلم والإنسان ظلوم جهول، فكم من مكرم لنفسه بزعمه، وهو لها مهين، ومرفه لها، وهو لها متعب، ومعطيها بعض غرضها ولذتها، وقد حال بينها وبين جميع لذاتها، فلا علم له بمصالحها التى هى مصالحها، ولا رحمة عنده لها، فما يبلغ عدوه منه ما يبلغ هو من نفسه. فقد بخسها حظها، وأضاع حقها، وعطل مصالحها، وباع نعيمها الباقى، ولذتها الدائمة الكاملة، بلذة فانية مشوبة بالتنغيص، إنما هى كأضغاث أحلام أو كطيف زار فى المنام، وليس هذا بعجيب من شأنه، وقد فقد نصيبه من الهدى والرحمة. فلو هدى ورحم لكان شأنه غير هذا الشأن، ولكن الرب تعالى أعلم بالمحل الذى يصلح للهدى والرحمة. فهو الذى يؤتيها العبد. كما قال عن عبده الخضر: {فَوَجَدَا عَبْداً مِنْ عِبَادِنَا آتَيْنَاهُ رَحْمَةً مِنْ عِنْدِنَا وَعَلمْنَاهُ مِنْ لَدُنّا عِلمْاً} [الكهف: 65]، {رَبنَا آتِنَا مِنْ لَدُنْكَ رَحْمَةً وَهِّيئْ لَنَا مِنْ أَمْرِنَا رَشَداً} [الكهف: 10].
4– Conclusion anticipée
En conclusion, si d’un point de vue théologique, nous avons exposé la double origine des péchés précédemment, entre abandon d’un ordre et transgression d’une prohibition, il convient de remonter à la cause humaine de ce dilemme, dont la synthèse se résume en deux points. D’un côté, la passion, à entendre au sens de voile recouvrant la raison, rendant aveugle à la vérité. D’où l’assimilation et le rapprochement permanent des Salaf entre gens (ahl) de l’innovation, qualifiés de gens des passions, car elles s’impliquent mutuellement.[21]
De l’autre, la pulsion, poussant l’homme à satisfaire ses irrépressibles envies, jouet entre les mains de ses bas instincts, l’empêchant de multiplier les actes de bienfaisance, de pratiquer les œuvres méritoires, bien que conscient de son état et capable de comprendre et reconnaître la vérité, depuis sa place peu enviable.
Cela nous rappelle les propos cités par Ibn ul Jawzi, dès l’entame de son fameux « Talbis Iblis »,[22] rappelant ce principe cher aux Gens de la Sunna, à savoir que l’innovation est plus agréable à Iblis que la désobéissance, car le pécheur est conscient de mal agir et peut toujours se repentir de son acte, contrairement à l’innovateur, convaincu de se rapprocher d’Allah par son geste.[23]
H. C.
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