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Quelle stratégie pour l’étudiant musulman en terre d’Europe ? [1/3]

Quelle stratégie pour l’étudiant musulman en terre d’Europe ? [1/3]

Quelle stratégie pour l’étudiant musulman en terre d’Europe ? [partie 1/3]
Contextualisation des écrits de Bennabi (qu’Allah lui fasse miséricorde) sur le sort de l’étudiant musulman en Europe.

[...]

« L’Europe n’était pas venue en civilisateur mais en colonisateur, et le jeune bourgeois musulman n’allait en Europe que pour en rapporter un titre universitaire ou pour satisfaire une curiosité toute superficielle. Un étudiant zeitounien qui venait de terminer ses études islamiques ayant fait une demande de bourse pour compléter sa formation en France, l’organisation culturelle saisie de cette demande objecta que « pour étudier la langue française, on n’a nullement besoin de se rendre en France ».

Cette remarque traduit la façon dont le milieu musulman envisage le rôle de l’étudiant qui part en Occident : il s’agit d’étudier une langue ou d’apprendre un métier et non de découvrir une culture. Seul compte l’aspect d’utilité immédiate. […]

Cette élite a peu à peu dépassé le stade de l’école indigène : un certain nombre de jeunes intellectuels ont maintenant fait un stage dans les Universités occidentales. Et c’est dans cette nouvelle étape que le mouvement moderniste s’approche naturellement de sa perfection – s’il est possible de s’exprimer ainsi – et que son contenu moral et social devient tout à fait significatif pour qui l’examine.

En raison de la psychologie de son milieu maternel post-almohadien, où l’on passe du sacré au profane sans s’arrêter au sublime, du ilm islamique à l’instruction moderne sans s’attarder à la notion de culture, l’étudiant musulman part avec des œillères qui lui interdiront de contempler la civilisation autrement que du côté abstrait ou du côté futile, suivant ses propres dispositions au sérieux. Il s’inscrit en général à la faculté d’une capitale. Les Quartiers Latins sont partout les mêmes : on y voit l’aspect livresque et controversiste de la culture ou son aspect superficiel, ses distractions et ses plaisirs. D’un côté comme de l’autre, l’étudiant ne peut voir que l’aboutissement et non l’évolution de la civilisation.

Il ne voit pas la femme qui ramasse une « gueulée de lapin » mais celle qui se teint les ongles et les cheveux et fume aux terrasses des cafés. Il ne voit pas l’artisan et l’artiste penchés sur leur ouvrage, pour fixer une idée dans la matière. Orienté au départ par le sens de l’utilité, il ne remarque pas les énergies obscures mais créatrices – et créatrices tout d’abord de valeurs morales et sociales qui rendent l’homme civilisé supérieur à l’homme primitif : la culture commence pourtant lorsque l’effort intellectuel dépasse l’objectif du besoin individuel.

Il n’aura pas davantage l’occasion de saisir l’aspect généreux de la civilisation, celui qui nourrit l’affectivité de l’homme civilisé et donc l’impulsion créatrice à son génie – tant il est vrai que « les grandes pensées viennent du cœur ».

Issu d’un monde qui a vendu ses reliques et ses manuscrits au touriste américain, il ne saura pas davantage discerner dans la vie européenne ce culte sain de la « vieille chose » qui noue le passé à l’avenir. […]

Son matérialisme inconscient et son admiration incontrôlée de l’ « utile » ne lui permettront pas davantage de voir l’aspect horrible de cette civilisation qui a rivé à la chaîne des hommes que la machine conduit, exténue, épuise et transforme en « robots de chair humaine ». Il ne verra pas la femme éloignée de son foyer et gagnant péniblement une bouchée de pain dans l’atmosphère avilissante qui l’a masculinisée et qui a émasculé l’homme.

Il ne verra pas ce côté odieux, en considération duquel la société dégradée de l’homme post-almohadien peut encore apparaître, à certains égards, fréquemment supérieure à une civilisation qui a perdu le sens de l’humain.

D’une manière générale, l’étudiant musulman n’a pas éprouvé l’Europe, il s’est contenté de la lire, c’est-à-dire d’apprendre au lieu de comprendre. Aussi demeure-t-il dans l’ignorance de l’histoire de sa civilisation, il ne peut savoir comment elle s’est faite et comment elle est en train de se défaire – par ses contradictions internes, par son incompatibilité avec les lois de l’ordre humain, et parce que sa culture n’est plus celle d’une civilisation mais a été transformée par le colonialisme et le racisme en « culture d’empire ». »


Il est vrai que la remarque de Bennabi (qu’Allah lui fasse miséricorde) reste d’actualité. Encore aujourd’hui, trop d’étudiants maghrébins musulmans partent à l’étranger, quittant leur famille, leur terre, pour aller étudier, avec pour unique objectif de décrocher un diplôme, quel qu’il soit. Il n’y a pas de stratégie, il n’y a pas de réelle volonté d’apporter quelque chose à son pays au retour.

Un départ sans objectif, sans but précis ne peut qu’amener à des tergiversations une fois sur place : que faire ? Pourquoi apprendre finalement ? Pour quelle finalité ?

En plus de la perte de temps et du désœuvrement que connaît chaque étudiant à l’université, l’étudiant musulman se retrouve perdu sur une terre étrangère avec des mœurs le plus souvent en complète opposition avec les principes islamiques. Si sa foi n’est pas ferme, il risque de s’en parer.

Il aura non seulement perdu son temps, mais aussi sa religion.

La faute à un manque de soutien autour de lui, l’absence cruelle de structure qui l’encadre, le soutienne, le guide, l’exhorte.

On se concentre ainsi sur l’utilité immédiate : un diplôme, un emploi, une relative stabilité quitte à faire des concessions sur certains principes.

Finalement l’état de la Oumma ne s’en trouve pas plus avancé. Un musulman de plus aura décroché son diplôme puis se sera fait embaucher dans une société occidentale. Il n’aura pas contribué au transfert de compétences, il n’aura pas inculqué ce qu’il a appris à cette nouvelle génération de musulmans qui rêvent d’un avenir meilleur pour leur communauté.

Il est vrai également que ce musulman ne réussira que très rarement à se libérer du carcan dans lequel il a évolué, cette médiocrité, ce manque de vision propre aux populations n’ayant rien vu d’autre que le petit quartier dans lequel ils vivent. Qui a réellement vécu au Maghreb comprendra.

Ainsi il ne retiendra de son séjour que le matérialisme, la course aux richesses et au paraître, le confort, l’individualisme et l’égoïsme. Il n’observera pas le déclin, la décadence qui se produit en ce moment même dans ces sociétés occidentales.

Il n’arrivera pas à comprendre que la simplicité de la vie dans son pays, le relatif conservatisme dans le modèle familial traditionnel est en fait ce qui a protégé notre société de la déchéance et du chacun pour soi. C’est ce que décrit Bennabi (qu’Allah lui fasse miséricorde) lorsqu’il constate la supériorité de la société musulmane actuelle malgré sa dégradation par rapport à la civilisation occidentale qui a sacrifié tous ses principes au nom d’une éphémère augmentation de richesses.

Il ne verra pas que la paisible vie menée par ses parents n’est que ce qui est attendu du musulman qui sait qu’il ne vivra qu’un laps de temps sur cette terre.

Ces œillères comme le dit très justement Bennabi (qu’Allah lui fasse miséricorde) l’empêcheront de cerner les subtilités de la culture occidentale de même que ses propres contradictions.

Ainsi la working-girl européenne est perçue comme une femme ayant réussie tandis que la femme musulmane qui reste dans son foyer est perçue comme une femme qui n’exploite pas son potentiel.

Cela même si la première doit se mélanger aux hommes et vivre dans cette atmosphère oscillant entre condescendance et harcèlement.

Cela même si la deuxième aura tenu solidement son foyer et éduqué la nouvelle génération de musulmans.

Il ne verra pas que ce système est à bout de souffle et qu’il assiste à son agonie.

Il subira de plein fouet la froideur du citadin européen, au mieux son indifférence, au pire son racisme. Sans repère aucun, il improvisera alors une stratégie pour se fondre dans la masse.

Le meilleur échappatoire étant la taqiya : stratégie schizophrénique consistant à supprimer petit à petit tout signe visible de l’Islam, de sa culture arabe. Rejet de sa langue maternelle, raccourcissement de son nom de famille, adoption du code vestimentaire local (très souvent féminisé), mépris de ses coreligionnaires dont on lui demandera de se désavouer publiquement.

Son discours évoluera, se sentant soudainement très concerné par la démocratie et la libération de la femme dans les pays musulmans.

Bien souvent, il n’osera pas rejeter totalement l’Islam. L’apostasie reste un fardeau lourd à assumer.

Aussi à son retour, formaté par les valeurs qu’on lui aura inculquées, il tentera très certainement d’importer le modèle de valeurs occidental tout en rejetant fortement le modèle traditionnel musulman, lui-même considérablement transformé et perverti.

Nous les voyons tous les jours, ces diplômés d’écoles de commerce qui reprennent bêtement le nouveau modèle de startup, les applications à outrance, les nouvelles techniques de marketing ou de développement personnel… suivant ainsi la tendance du moment sans plus de réflexion.

C’est bien cette masse de beurs et beurettes que la France et ses alliés fabriquent pour ensuite, au gré des besoins, les garder chez eux ou les renvoyer dans leurs pays respectifs.

C’est donc au musulman conscient de comparer ces deux modèles de société et de voir les avantages et inconvénients de chacun, c’est ce travail intellectuel, cette observation qui lui permettra réellement de déterminer le sens de ses études.

Il doit établir une stratégie bien avant son départ et le commencement de ses études : quelles compétences manquent à la Oumma pour se développer et que fera-t-il, lui, pour y remédier ?

C’est seulement ainsi qu’il se démarquera et se désavouera de celui qui se jette dans la mêlée, prêt à travailler pour n’importe qui tant qu’il est correctement rémunéré.

Yassine B. A.

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