[Courrier des lecteurs] Consultation, tirage au sort et opinion publique en Islam
Consultation, tirage au sort et opinion publique en Islam :
Réflexions sur le système politique islamique
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As salam Aleykoum Aïssam, Je suis actuellement en pleine lecture de votre essai « de L’idéologie islamique française - 3e édition » et j’aimerais que vous m’éclaircissiez sur le point lié aux processus de désignation en islam.
En effet, vous développez l’idée ( en vous basant sur les sources islamiques ) que lorsqu’il reste encore au moins deux prétendants pour le poste d’imam après plusieurs sélections , il fallait avoir recours au tirage au sort. Néanmoins lorsque l’on étudie la période des 4 califes bien-guidés et plus précisément l’élection du troisième, on remarque un processus de désignation diffèrent pour départager Ali et Uthman (que Dieu les agrée). Ibn Kathir nous rapporte que : « ´Abd ar-rahman ibn ´awf se mit à consulter tous les musulmans, les notables comme les gens ordinaires.. il alla même jusqu’à demander leur avis aux femmes qui ne quittèrent guère leur foyers, aux enfants qui apprenaient le Coran et aux voyageurs qui se rendaient à Médine en simples visiteurs ! ».
N’avons-nous pas là justement un recours à l’opinion public sans aucune distinction ( de sexe, de savoir religieux, d’intellect ) ? Car il souhaitait vraisemblablement sonder la population médinoise dans son intégralité afin d’affiner son choix et avant de rendre sa décision. Donc comment expliquer qu’aucun compagnon n’ait pensé à ce choix du tirage au sort alors que l’élite parmi les musulmans se trouvait à Médine durant cette élection ?
Merci par avance pour vos précieux éclaircissements.
Rappel n°1
La principale limite de l'analyse historique est la projection anachronique de problématiques contemporaines, de perceptions actuelles, dans un temps et une société où certaines questions ne se posaient pas encore, et surtout pas de la manière dont nous les concevons actuellement. Il faut avoir cela à l'esprit quand on essaie de comprendre la structure politique de telle ou telle société, afin de ne adopter un point de vue faussé ou faire des conclusions tranchées.
L'observateur doit savoir qu'il a pour lui le recul historique, il possède d’emblée un ensemble d'éléments de comparaison, un œil plus averti. Connaissant les évolutions ultérieures, il peut faire certains bilans de certains choix/actions passées : autant de connaissances que les acteurs du moment ne pouvaient avoir. Ce rappel est fondamental pour ne pas faire peser de trop lourdes interprétations et interrogations sur un contexte qui ne peut pas les supporter.
Ceci dit, cela ne doit pas nous exempter d'analyser de manière critique l'histoire de la civilisation islamique, elle doit simplement être elle-même graduée en fonction de l’évolution des sociétés et suivre le cours de l'histoire pour être pertinente, sinon elle sera en en total décalage.
Rappel n°2
En écrivant « De l'idéologie Islamique Française » je poursuivais plusieurs buts, l'un d'entre eux était de marquer la frontière historique, politique et philosophique entre Islam et Occident. De montrer que tout ce qui sert de fondement au monde occidental (Modernité, sécularisation, laïcité, idéologies séculières, Démocratie) sont soit étrangers, opposés ou différents des fondements de la civilisation islamique.
Le deuxième grand but est de montrer que notre monde actuel dans ses structures politiques sociales et économiques est profondément ''occidental'' au sens où le terme trompeur de ''Mondialisation'' est en réalité une ''Occidentalisation'' des sociétés humaines, d’où l'un des enjeux majeurs de ce siècle: modifier l'islam et les musulmans afin d'achever d'occidentaliser la dernière alternative crédible à ces phénomènes, la dernière menace pour leur ordre politique mondial : l'Islam civilisationnel.
C'est là que je m'attaque frontalement au socle de la démocratie en Islam, à la souveraineté absolue du Peuple, et à sa prétention de choisir/élire directement leurs dirigeants au Suffrage Universel Direct (SUD), des dirigeants politiques, juristes et législateurs qui se basent sur l'exclusivité de leurs Raisons/Passions humaines pour décréter le Vrai, le Juste, le Droit et la Loi, sans limite ni justification qu'eux-mêmes. Ainsi dans IIF le but n'est pas de faire un exposé détaillé de la théorie politique islamique, mais juste d'en rappeler certains aspects qui entrent en contradiction avec le modèle occidental qui nous est imposé.
C'est avec cet état d'esprit que je m'oppose au principe d’élection démocratique et à ses prétentions. Principe qui nous est vendu aujourd'hui partout et par tous, même par certains chouyoukh, imams et prédicateurs comme un outil naturel et légitime, et dont les explications/arguments sont toujours étonnement très superficiels, faibles et orientés, et en évitant soigneusement le cœur du sujet par l'utilisation d'artifices issus de l'outillage juridique du fiqh. Comme si, en réalité, n'ayant pas d'autre projet réel à proposer, il fallait absolument passer par ce que nous offre malicieusement l'Occident qui espère par cela contaminer ses utilisateurs.
L'exemple que vous citez et votre question [Ibn Kathir nous rapporte que : « ´Abd ar-rahman ibn ´awf se mit à consulter tous les musulmans, les notables comme les gens ordinaires.. il alla même jusqu’à demander leur avis aux femmes qui ne quittèrent guère leur foyers, aux enfants qui apprenaient le Coran et aux voyageurs qui se rendaient à Médine en simples visiteurs »] procède selon moi de deux biais et peut-être même d'une confusion (?).
Un exemple historique intéressant à étudier en détail
Après avoir reçu des coups de couteau et sentant la mort approcher, Omar ibn Khattab (désigné unilatéralement par Abu Bakr) décide de mettre en place un comité spécial pour choisir le prochain Calife. Il en désigne les membres : Ali ibn Abi Talib ; Othman ibn 'Affan, Abderahmane ibn 'Awf ; Sa'd Ibn Abi Waqqac, Zubayr ibn al 'Awwam et Talha Ibn Obeydallah. Ces derniers devant se réunir pendant 3 jours pour désigner un des leurs comme Calife.
On pourrait croire que Omar a nommé unilatéralement les membres de ce comité en fonction de leurs qualités, mais en réalité, ces membres font tous partie des 10 promis au Paradis , tel que rapporté dans le Sunan de At-Tirmidhi :
« Le Prophète ﷺ a dit:''Abou Bakr (qu'Allah l'agrée) ira au paradis, Omar (qu'Allah l'agrée) ira au paradis, Othmane (qu'Allah l'agrée) ira au paradis, Ali (qu'Allah l'agrée) ira au paradis, Talha (qu'Allah l'agrée) ira au paradis, Zubayr (qu'Allah l'agrée) ira au paradis, Abderrahman Ibn Awf (qu'Allah l'agrée) ira au paradis, Sa'd Ibn Abi Waqas (qu'Allah l'agrée) ira au paradis, Said Ibn Zayd (qu'Allah l'agrée) ira au paradis, Abou Oubeida Ibn Al Jarah (qu'Allah l'agrée) ira au paradis'' ».
En se désistant, Abderahmane Ibn 'Awf s'institue Arbitre et essaie étape par étape de déterminer l'élu final entre Othman Ibn 'Affan et 'Ali ibn Abi Talib. C'est à ce moment qu'il consulte de nombreuses personnes, notables et individus issus du peuple de Médine, et même des visiteurs étrangers mais qui sont bien souvent des chefs de tribus arrivés à Médine après avoir appris la mort de 'Omar. Il réalise donc une sorte de sondage personnel pour connaître l'opinion des gens présents à Médine.
Médine, la ville du Prophète représentant alors le cœur spirituel de la Nation islamique, tel que nous l'informe de nombreux Hadith, tel celui rapporté par Abu Hurayra « La foi retourne à Medine comme le serpent retourne à son trou » ou cet autre hadith rapporté par Aïcha « Quiconque chercher à ruser contre les gens de Medine se dissoudra comme le sel se dissout dans l'eau » Même si c'est l'idée d'une consultation populaire qui peut être mis ici en avant, elle est non démocratique au sens réel de ce terme, car elle est limitée et non universelle.
On peut s’interroger sur le pourquoi de cette consultation populaire ? Tout d'abord et personnellement, je ne pense pas que l'action de Abderahmane auprès du public de Medine soit véritablement liée à l'idée de consultation (shoura), qui est justement un outil se situant à un niveau beaucoup plus haut dans la hiérarchie des outils politiques (ce point peut faire débat).
Certes il consulte l’opinion publique des gens de Médine, mais ici c'est une consultation plutôt au sens de sondage, or entre connaître des opinions et demander un avis il y a une nuance, ce sont en fait deux choses très différentes. C'est pourquoi, j’estime que l'action d’Abderahmane est à relier au hadith rapporté par 'Awf ibn Malik d’après Nawawi (kitab al imara) « ...Les meilleurs de vos imams sont ceux que vous aimez et qui vous aiment.. » (et inversement..). C'est à dire qu'il a cherché à savoir vers qui se penchait l'opinion pour l’accession au titre de Calife : plus une population vertueuse, digne d'être consultée,penche vers tel candidat plus sa légitimité est renforcée
Finalement, Al Boukhari rapporte d'Al Miswar ben Makrama « Après avoir guidé la salat subh, Abdurahman convoqua Al mouhajiroun et al Ansar, les commandants (oumara al ajnad) » puis il prêta allégeance publique à Othman ibn Affan, précédant l’allégeance des présents et engageant ensuite celle de la oumma toute entière : Talha membre du conseil spécial, mais qui était absent, après enquête personnelle, avalisera à son tour ce choix. Quoi qu'il en soit, par cette action importante, Abderahmane Ibn 'Awf institutionnalise le fait de recourir à l'opinion publique : c'est donc un critère à prendre en compte.
Certains limitent le recours à l’opinion publique en rappelant par analogie les conditions du témoignage que les juristes de nombreuses écoles ont expliqué dans de nombreux ouvrages : liberté, conscience saine, moralité, probité, éthique, facultés mentales etc. Le but est de montrer que l’on ne peut pas sonder n’importe qui. Pourtant ces conditions sont presque exclusivement invoquées dans les domaines juridiques, judiciaires et contractuels. C’est à dire là où le témoignage a une implication directe et immédiate avec des conséquences visibles ( contrats et jugements).
On peut se demander si cette comparaison entre témoignage et opinion publique est semblable et si les conditions de la première sont véritablement applicables à la seconde ? Personnellement, j’en doute car je ne vois pas justement Abdrehmane ibn Awf enquêter d’abord sur les personnes dont il a demandé l’opinion. Et d’ailleurs contrairement au témoignage le recours à l’opinion publique n’engage à rien en réalité.
Historiquement, on peut se demander si cette action d'Abderahman fut décisive pour la suite : est-ce que l'opinion publique médinoise a vraiment eu le dernier mot ? Cette réponse nous fait entrer dans un débat extrêmement délicat et tendu, au sein même des sunnites peu sont capables objectivement de décrire cette réalité, sans faire intervenir des impératifs liés à la croyance (les faits sont une chose, la croyance est une autre, malheureusement pour des esprits limités il est difficile de faire la distinction, car pour eux décrire une situation historique revient fatalement à toucher au dogme : ce qui est une attitude primitive, un déni dont les orientalistes se sont toujours nourri pour essayer de déstabiliser la croyance sunnite... Par peur de traiter objectivement l’épisode de la fitna entre sahaba afin d’essayer de résoudre des problèmes majeurs naissant et par manque de réalisme, certains tombent donc inversement là où sont quand même tombés les chiites et les khawarijs sur ce même sujet : les premiers par excès de déni les autres par excès de jugement ...).
Car on sait qu'il y a eu beaucoup de tractations et de pressions, difficile à déterminer, mais les preuves de tension sont présentes dans certaines sources les plus fiables [ Chez Al Boukhari on perçoit cette tension entre Abderahmane et Ali : ''yaghcha min 'Ali chay-An..'' ] Et si on compile toutes les informations et leurs indices, on peut dire, de manière assez concise mais non dénuée de vérité, que cette opinion publique médinoise était plutôt favorable à Ali Ibn Abi Talib, alors que certains notables et dignitaires furent plutôt favorables à Othman.
Lors de la dernière réunion publique dans la mosquée de Médine, 'Ammar Ibn Yassir et al Miqdad affirmaient que le choix de 'Ali serait celui qui satisferait le plus la population sans faire naître de discorde. Tabari rapporte que la réponse naïve et simple de 'Ali, aux questions de Abderahmane, fut en sa défaveur devant la fermeté de Othman, et que 'Ali aurait été trompé par le mauvais conseil de Amr Ibn al 'Ass. Si certains ont essayé de minimiser les sources de Tabari, prétextant la présence de menteurs dans certaines chaînes de transmission, on a vu qu'Al Boukhari lui-même donne des indices sur ce contexte très délicat où les affaires politiciennes ont débordé sur la Politique.
Concernant le tirage au sort
C'est un outil qui n'a jamais été utilisé politiquement à cette période, j'ai rappelé dans IIF que le Prophète ﷺ l'avait déjà lui-même utilisé dans certains contextes privés (choix entre ses femmes pour expédition) et l'a préconisé dans certaines conditions pour des affaires plus publiques (imamat pour la prière: or les savants sunnites ont fait le qiyas entre l’imamat de prière et la fonction politique). De plus, certains théologiens comme Al Mawardi ou Ibn Taïmiyya ont donné au tirage au sort une utilisation clairement politique.
Que les compagnons n'aient pas pensé à déterminer le nouveau calife par tirage au sort entre membres du petit comité spécial est du à plusieurs et très différentes raisons :
° Aucun d'entre eux n'y a tout simplement pensé
° Ils ont voulu suivre très scrupuleusement les recommandations de Omar qui n'avait pas fait mention du tirage au sort, mais simplement de se consulter entre eux et de se mettre d'accord par unanimité/majorité
° Ont-ils pensé que l'affaire était trop grave et importante, trop impliquante avec des responsabilités personnelles engagées, pour ne pas s'en décharger par le sort et s'en remettre au destin... ?
En réalité peu importe ici, car l'important est la validation de l'outil ''Tirage au sort'', et qu'il n'ait pas été utilisé précédemment revient à des contingences historiques. Or justement, il faut que nous réussissions à acquérir cette méthodologie scientifique islamique qui consiste à extraire de notre histoire ce type de principes dont le potentiel est énorme, et éviter de s’enfermer dans choix historiques pour vouloir les reproduire, les accepter et les légitimer par conformisme traditionaliste arc-bouté sur des résidus de notre patrimoine : or c'est ce qu'a malheureusement trop souvent fait une partie du fiqh sunnite par ultra pragmatisme.
En effet, l'ijtihad novateur qui revivifie la science politique islamique sans trahir ses fondements immuables demande beaucoup d'efforts et est toujours plus complexe que le simple taqlid mimétique qui s'enfonce dans l'immobilisme voire l’archaïsme. Pire quand il s'agit par exemple de légitimer par bricolage des principes politiques qui sont en totale contradiction avec l'esprit politique islamique des origines, et je vise très directement l'Hérédité et le système monarchique.
Or sur ce point rappelons un élément essentiel. Chez At Tirmidhi et Abou Dawoud est rapporté d'après Abu Najih al ‘Irbad ben Sariya du Prophète ﷺ la parole suivante :
« Je vous recommande la crainte d’Allah ainsi que l’obéissance à ceux d’entre vous qui vous gouvernent, serait-ce un esclave abyssin. Celui d’entre vous qui vivra verra de grandes discordes. Accrochez-vous à ma Sunna et à celle des califes bien guidés. Saisissez-la de toutes vos forces et méfiez-vous des innovations, car toute innovation est égarement. »
Ce hadith est assez spécial du point de vue de l'historien politique et surtout pour notre sujet, car la prophétie lie ici trois choses comme pour en tirer de profonds et futurs enseignements : la discorde, la sunna des Califes bien guidé et l'innovation...Or parmi les innovations, certaines innovations politiques tel que le système monarchique ont été complètement oubliées, minimisées et bizarrement (très) tolérées, or c'est celle qui a eu historiquement le plus grand impact dans l'orientation générale de toute l’histoire de la civilisation islamique.
Si dans un premier temps, après le chaos de la grande fitna sous les premiers Omeyyades, et dans les premiers siècles, la nature traditionnelle de la société a pu très bien s'accommoder du principe monarchique héréditaire, la fin de la civilisation islamique fut d'abord la fin de son modèle politique et d’une faillite venant de son sommet : or celle-ci a commencé en réalité assez tôt. Seule la force militaire, économique et culturelle de l'empire naissant, et l'arrivée de nouvelles populations qui ont revigoré sa puissance matérielle (Berbère au Maghreb puis Turcs en Orient) a pu retarder l’échéance inévitable : toute civilisation dont le système politique est impertinent, instable et faible, est condamnée à s'effondrer tôt ou tard.
Or quand Omar a eu le souci de transmettre le pouvoir dans de bonnes conditions, certains lui avaient suggéré de nommer son propre fils Abdullah comme successeur, ce qui fit bondir Omar ! Et il est complètement inutile de vouloir comparer Yazid Ibn Mou'awiya qui a hérité du Califat par droit du sang et Abdullah Ibn Omar qui en a été privé...
L'histoire étant ce qu'elle est, pour ce qui nous préoccupe ici, dans le processus de désignation des dirigeants, d'administrateurs, de fonctionnaires ou de représentants, par l’étude politique de cette histoire (époque prophétique et celle des Califes bien-guidés), les sources islamiques primaires (Qu'ran, Sunna, Ijma' as-Sahaba et Sunna des Khoulafat ar-rachidun), c'est à dire celles qui sont d'origine (et non celles qui viennent par la suite, celle des choix pragmatiques de moindre mal et de maslaha et de ses avis juridiques qui cherchent à concilier la théorie avec la triste réalité...), avalisent ces différents principes :
° La consultation est un principe constitutionnel d'ordre divin
° Le tirage au sort est une possibilité venant de la Sunna du Prophète
° La nomination unilatérale, le recours à l'opinion publique, la création d'un groupe/comité restreint à ceux dont les qualités sont supérieures aux communs des gens viennent directement de la sira du Prophète et de la Sunna des Califes bien guidés
° Le principe de majorité qui sert de base au consensus (ijma') est aussi validé par certains hadiths chez Ahmad : «....j’ai demandé à Allah le Puissant et Majestueux de faire en sorte que ma communauté ne se mette pas d’accord sur une erreur et Il me l’a accordé. » ou At-Tirmidhi : « Allah ne permet pas à ma communauté de se mettre d’accord sur une erreur »
On peut rationaliser l'ensemble de ces principes islamiques avec cette liste :
° Le principe de consultation
° Le collège d’électeur
° Le tirage au sort
° La nomination/désignation unilatérale
° l'opinion publique
° le concours
° le principe de majorité
On peut retrouver beaucoup de ces outils de nos jours, utilisés différemment par les démocraties occidentales et qui se révèlent être efficaces dans leur mise en place avec des procédures qui ont fait leurs preuves depuis plus de deux siècles désormais.
La consultation renvoyant à l'idée de Parlement ou d'assemblée, le collège d’électeurs aux différents suffrages indirects, les groupes restreints unilatéralement désignés ou formés par sélection ''naturelle'' renvoyant au conseil constitutionnel et conseil d’État en France ou à la Cour suprême aux USA, le tirage au sort n'est lui utilisé que pour désigner les membres d'un jury lors d'affaires judiciaires, le principe de majorité renvoie directement à la consultation de l'opinion publique (sondage et suffrage universel) et surtout au Référendum....
Par contre : ce n'est pas parce que certains outils se ressemblent qu'ils doivent avoir exactement le même rôle, la même définition, la même position que celles qu'ils ont dans la démocratie libérale sécularisée. Ici est mon opposition ''radicale'' avec certaines de ces personnalités ou groupes,et avec leurs opinions, fatâwa ou ijtihad, qui par ignorance de la réalité de la démocratie libérale et de ses implications, ou par facilité, simplicité, superficialité ou par volonté d'arriver rapidement à un but ou de limiter (selon eux) des inconvénients, qui assimilent tout ces outils islamiques avec leurs prétendus équivalents démocratiques, dans leurs rôles et dans leurs fonctions !
Chez eux, la choura est donc la démocratie, toutes les élections sont permises, le vote n'est qu'un témoignage, n'importe qui peut élire n'importe qui, le Droit est fondé par la majorité, n’importe qui peut être consulté, donner son opinion et décider, la souveraineté du Peuple est licite tant que ce peuple est musulman, et le ''chef d’ Etat/calife/émir'' peut même être élu au suffrage universel direct par tous les citoyens...etc.etc. Tant d'aberrations qu'il est inutile de lister.
Tout ceci est une négation des principes islamiques originels et des fondements de l'Islam : or soit on l'accepte sans mentir ni travestir et on prend donc conscience de choisir quelque chose de ''nouveau'' qui trahit le dépôt, soit on reste fidèlement attaché aux principes d'origines et on doit réfléchir à un système propre, à la fois originel et original. Comme dit plus haut, il est toujours facile de copier ou de légitimer ce qui s'impose de fait, et toujours difficile de réaliser un changement positif.
Une fois listés nos outils, nos moyens et nos procédures, il faut réaliser un profonde réflexion islamique d'ordre philosophique et politique : Quand peut-on recourir à l'opinion publique ? Comment ? Pourquoi ? Quels sont les assemblées/parlements à mettre en place ? Avec quels rôles ? Quels Pouvoirs ? Quels en sont les membres ? Comment seront-ils choisis ou élus ? Qu’est ce que la citoyenneté ? Quels seront les différentes procédures pour mettre un homme à la tête de l’État (Pouvoir exécutif) ? Avec quelles limites au mandat ? Quels modalités de remplacements ? Quelle organisation des différents pouvoirs ?
Dans quel mesure utiliser le tirage au sort ?Pour quels buts ? Selon quelles modalités ? Comment assurer une représentativité pour éviter la naissance d'une oligarchie/aristocratie de pouvoir ? Où la représentativité de la population doit être assurée et où peut-on s'en passer ? Comment faire participer la population à la gestion de sa vie quotidienne ? Dans quelles limites ? Avec quelles prérogatives ? Comment instituer une méritocratie (al afdal fi makanihi) sans tomber dans une technocratie ? Et tout ceci se demander à quelles échelles territoriales ? Quels découpages administratifs ? Quelles Administrations ? Quelles organisations ? Etc..etc..
C'est à ce type de grandes questions, qui touchent à différents domaines, qu'il faut pouvoir répondre en réalité, et non copier dangereusement le modèle de la démocratie occidentale à bout de souffle et qui ne satisfait même plus les occidentaux eux-même ! Et c'est en réfléchissant à tout cela que l'on juge le mieux l’énorme amateurisme et escroquerie de l'autoproclamé ''État Islamique''...Avec tous nos outils cités précédemment, on peut imaginer de multiples combinaisons et de procédures, qui respectent simplement les fondamentaux politiques de l'Islam, qui sont souvent liés au principe mal compris et mal assimilé de hakimmiya dont certains ne veulent même plus entendre parler.
L'important est de réfléchir et proposer cet immense projet politique en se nourrissant fondamentalement de l’époque prophétique et celles des Califes bien guidés, et aussi de tout le patrimoine islamique dans ce qu'il nous offre comme potentialités positives. Et c'est ce qui manque cruellement à la Oumma. Ainsi les modalités, les procédures, le type de fonctionnement d'un système politique islamique sont en réalité multiples et très divers, il n y a aucune rigidité, il n'y a pas un seul et unique modèle islamique valable comme peuvent le croire certains.
Et cela correspond même à l'esprit général de l'Islam : les limites sont simplement tracées par le Créateur et à l'intérieur de ces limites c'est à l'homme par sa liberté et par son ingéniosité de construire et de s'efforcer d'inventer l’État le plus pertinent, celui qui maximise les bienfaits pour l'Islam et les musulmans et qui peut servir de modèle à l'humanité.
والله اعلم
Aïssam Ait-Yahya
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PS : Je vous incite à lire le commentaire historique et politique de la siyyassa d’Ibn Tamiyya dans lequel je reviens sur certains de ces sujets.
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