Préface du livre Zakât : Guide pratique
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Depuis deux siècles, c’est principalement sur la base d’idéologies économiques nées en Occident que le monde s’est divisé. Les antagonismes entre capitalisme, communisme et leurs variantes : anarchisme, ultra-libéralisme, socialisme-libéral, etc. ont suscité des débats qui ont agité les intelligentsias comme le petit peuple, et même créé, dans ce qui fut appelé la « guerre froide », des antagonismes politiques et militaires sur toute la planète.
Pourtant, l’effondrement du communisme il y a une trentaine d’années et les prémisses chaque jour plus évidents de l’effondrement prochain du capitalisme ravivent les questionnements qui leur ont donné naissance :
Quel statut doit-on donner à la propriété privée : doit-elle être sacrée ou bannie ? Quelle place la société doit-elle donner au partage ? Doit-on légitimer l’égoïsme, voire la prédation, ou au contraire forcer les hommes à partager leurs richesses par la redistribution fiscale, ou la collectivisation obligatoire ? Plus fondamentalement, quelles valeurs doivent guider les hommes : le profit, l’enrichissement, l’ostentation, ou bien le contentement de peu, l’entraide et la charité ?
Nous le voyons, l’islam a son mot à dire dans ces débats puisque ces questions trouvent toutes leurs réponses dans le Coran et la Sunna. La Sharia, la législation islamique comporte un ensemble de normes qui touchent à l’économie, à la finance et au commerce, ainsi qu’à la gestion des biens personnels, la relation que l’individu doit avoir avec ses biens et ceux d’autrui. Ces questions économiques sont essentielles pour les musulmans : elles sont un défi lancé à leurs Etats, mais aussi aux ménages : ce qui explique le grand nombre d’istiftâ ou « demandes de fatwa » relatives au Rîbâ, à l’endettement, aux règles du commerce, à la « finance islamique », etc.
La position de l’islam sur ces sujets se fait d’autant plus attendre que l’ultra-libéralisme qui a guidé la politique économique de la majorité des Etats dans le monde depuis les années 1980, a désormais fait la démonstration de ses limites et ses faiblesses. Les souffrances qu’il engendre jette dans la rue des milliers de manifestants « gilets jaunes » depuis des mois, et devant l’évidence de cet échec, l’un des représentants les plus emblématiques de cet ordre libéral, l’actuel président français Emmanuel Macron en est venu à déclarer que « le capitalisme ultralibéral et financier trop souvent guidé par le court terme et l’avidité de quelques-uns, va vers sa fin ».[1]
Encouragée par des institutions internationales (Banque mondiale, FMI), cette idéologie mortifère a certes fait exploser la croissance mondiale de manière artificielle par une politique d’endettement incontrôlée, mais au prix de sacrifices moraux sans doute irréparables : l’installation de rapports injustes de dominations au sein des sociétés, le surendettement des ménages et des Etats, la mainmise des banques et du monde financier sur l’ensemble des activités humaines, l’accaparement des richesses au profit d’une minorité, la destruction de l’environnement, la dilapidation des ressources naturelles, etc.
Pour toutes ces raisons, les sociétés éprouvent le besoin impérieux de trouver une issue à ce cauchemar capitaliste. Il appartient aux musulmans de démontrer que l’économie islamique offre le seul modèle alternatif viable, capable de résoudre les contradictions du capitalisme et de faire accéder à une prospérité durable les pays musulmans, mais aussi les pays industrialisés rongés par l’endettement et la prédation financière comme la France.
Après avoir publié de nombreux livres relatifs à la politique et la gouvernance, il était essentiel pour les éditions Nawa d’aborder frontalement ces questions économiques. Nous profitons des 10 ans d’existence de l’édition pour ouvrir ce « nouveau front » avec une série de livres consacrés à la Zakât.
Nous avons donc l’honneur d’inaugurer ce thème avec le présent livre de Mostafa Brahami, docteur en économie et auteur de nombreux ouvrages sur l’islam.
Mostafa Brahami mobilise ici ses compétences techniques et académiques pour apporter un éclairage sur ce pilier de l’islam qu’est la Zakât ou l’aumône obligatoire. L’auteur utilise une approche pédagogique agrémentée d’exemples concrets pour faciliter la compréhension et le calcul personnel du montant de la Zakât. Dans un prochain livre intitulé « Pourquoi donner ? », il abordera l’aspect éthique et « philosophique » des dons sous la forme d’aumônes (sadaqât) volontaires ou obligatoires (Zakât), ainsi que les valeurs de partage et d’entraide qui irriguent l’économie en islam.
Les éditions Nawa
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