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Les conséquences d’une dislocation de l’UE pour les musulmans ?

Les conséquences d’une dislocation de l’UE pour les musulmans ?

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Salam alaykoum, Je souhaite vous poser une question concernant l'avenir de l'Union Européenne et des communautés musulmanes au sein de cet espace politique.

Le président Macron semble vouloir maintenir l'unité politique de l'Europe en dépit de la progression des mouvements anti-européens. Ma question est la suivante :

Je voudrais savoir d'une part si la dislocation politique de l'Europe est inéluctable en dépit de l'européisme de Macron ? D'autre part je voudrais savoir s'il est dans l'intérêt des musulmans d'Europe de voir les nations européennes se disloquer politiquement sachant que l'UE se veut protectrice des libertés individuelles et que les seuls à demander la sortie de l'UE sont des mouvements souverainistes de droite très anti-islam pour la plupart ?

Ce scénario est-il probable ? Le voir se concrétiser ne serait-il pas néfaste aux musulmans d'Europe ? Je vous saurais gré d'apporter votre éclairage sur ces questions. Bonne continuation pour vos publications futures.



Wa aleikoum salam, La dislocation de l’Europe semble inexorable pour plusieurs raisons : L’Europe est très loin de représenter un ensemble uni, culturellement, religieusement, mais surtout (et c’est le facteur le plus important pour réaliser une unité politique) linguistiquement.

En réalité, chaque pays européen constitue une « civilisation » propre. L’unité politique de ces pays qui se sont fait la guerre et se sont haïs pendant des siècles n’était pas du tout évidente. Fédérer tous ces pays au sein d’un même ensemble nécessitait l’intervention de facteurs tiers puissants qui sont en train de disparaître sous nos yeux :

Premièrement : la peur d’un danger extérieur

Les hommes se réunissent principalement par peur d’un danger et les promesses de prospérité sont souvent inefficaces pour convaincre les hommes de s’intégrer à un vaste projet politique, sinon dans l’histoire, les peuples en marge auraient accepté la domination d’empires plus avancés pour profiter de leur prospérité. Nous trouvons dans l’histoire musulmane le même phénomène : Comme je l’explique dans HPI, avant l’islam, les tribus arabes ont toujours été jalouses de leur indépendance vis-à-vis de tout pouvoir étatique ce qui engendrait un état d’anarchie dans la péninsule.

L’empire mekkois fondé par les Quraysh entre les années 480 et 500 (à la même époque donc que la fondation du royaume franc) n’a pu voir le jour que lorsque le fondateur, Qusay ibn Kilâb, est parvenu à fédérer non seulement sa tribu, les Quraysh, mais aussi les tribus voisines de La Mecque contre le danger représenté par les Khuzâ’. Pour fédérer ces communautés restreintes au sein d’ensembles politiques plus vastes, il faut agiter plusieurs arguments, et principalement la peur d’un ennemi extérieur.

C’est la fameuse thèse du juriste allemand Carl Schmidt, qui a inspiré en cela de nombreux dirigeants occidentaux au cours du XXe siècle. Seule la promesse de protection contre un danger plus grand peut persuader les hommes de vivre dans un empire, ce qui fut le cas pendant des décennies avec le danger que l’empire soviétique faisait planer au-dessus des pays d’Europe de l’Ouest.

Ce danger a disparu et le désir de se retrouver dans une identité plus restreinte, nationale voire régionale (Catalogne, Corse, Bretagne, Italie du Nord, etc.) ressurgit avec force. Les arguments qui mettent en avant l’intérêt économique de l’Europe ont peu de chance d’inverser cette tendance.


Deuxièmement : un « Etat-noyau » (core State)

Une unité politique, quelle que soit l’échelle, nécessite la présence d’une entité puissante, supérieure à toutes les autres forces qu’elle fédère pour maintenir l’unité de l’ensemble. A l’échelle d’un empire, il faut une nation qui surpasse les autres nations par sa force militaire, économique, culturelle et autre. Ce rôle a été joué par les USA pendant des décennies.

Ce sont eux qui ont propulsé l’unité européenne pour leurs propres intérêts, en particulier dans leur lutte contre l’URSS. Il s’agissait de disposer d’une « tête de pont » sur le continent eurasiatique pour reprendre l’expression de Zbigniew Brzeziński[1].

L’élection de Trump a révélé qu’une partie importante de l’Amérique profonde n’a plus le désir de jouer un rôle d’envergure mondiale, d’assumer les responsabilités d’un empire et ce qui en coûte de sacrifices au profit des alliés/vassaux européens.

L’Etat noyau du bloc occidental qui a pu fédérer ces pays est en train de se retirer, abandonnant les Etats européens, relativement égaux en puissance, à leur sort. Cela explique en grande partie la perte de dynamique dans le projet européen, et à terme un retour à des unités beaucoup plus réduites.

Ce déclin du libéralisme européen est-il une menace pour les musulmans ? Il faut cesser de se soumettre à ce choix binaire en craignant d’une part l'extrême droite ou les mouvements populistes et en remettant d’autre part tous nos espoirs dans les courants libéraux qui sont en réalité tout aussi haineux envers l’islam.

C’est une erreur de croire que l’ordre libéral incarné par Macron et les autres dirigeants « progressistes » serait un moindre mal par rapport à l’extrême droite. Ce sont eux qui ont popularisé le discours anti-islam qui était auparavant totalement marginal dans les opinions. J’estime au contraire que les mouvements d’extrême droite ont l’avantage de menacer l’ordre libéral sans être, eux-mêmes, des alternatives crédibles.

Les musulmans qui vivent en Occident par dépit ou par choix doivent se prendre en main, sans compter sur les forces politiques déjà présentes. C'est à eux qu'il incombe de montrer le chemin à leurs compatriotes et non à quémander la protection, ou la simple affection de dirigeants politiques condescendants. Le monde occidental est en train de vivre l’une de ses pires crises, car il s’agit d’une crise de sens, une crise idéologique et philosophique profonde.

Leurs modes de gouvernance politique et économique qui faisaient hier leur fierté ont fait la démonstration de leur inefficacité et de leurs effets pervers. Alors qu'il n'existe plus d'alternative crédible en Occident, c'est le moment pour les musulmans occidentaux d’assumer leur rôle historique, de s’organiser et de créer une alternative conforme à la gouvernance islamique.

En France, la crise actuelle repose principalement sur le fait que le modèle étatiste finance les infrastructures publiques et la solidarité sociale par des impôts obligatoires et l’endettement par intérêt : deux moyens que l’islam prohibe.

Seul l’islam offre une alternative au libéralisme économique et à l’étatisme, une alternative permettant de financer les services et infrastructures publiques, de résorber la pauvreté, d’assurer le bien-être matériel et spirituel des populations sans les soumettre au joug d’un monstre étatique, de garantir la cohabitation pacifique de communautés aux croyances divergentes.

Tôt ou tard, les musulmans d’Occident seront placés devant leurs responsabilités. Ils devront cesser de chercher l’assentiment des arrivistes qui gouvernent ces pays, mais {de devenir les guides et devenir les héritiers} (Coran 28.5).



AS Al-Kaabi

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[1] Le grand échiquier. 1996

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