L'Islam américain [Extrait Lire et comprendre : QOTB]
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Ce texte écrit par Sayyid Qotb en 1952 est doublement emblématique de l'homme et de son époque.
Tout d'abord, il montre un Qotb toujours parfaitement au courant des différents bouleversements politiques et sociaux qui affectent son pays et toute la région. La grande acuité du penseur égyptien, les analyses qu'il nous livre dévoilent l'authenticité de sa réflexion, sa capacité à penser sur le long terme les événements les plus anodins.
Dans cet écrit, il cherche à alerter sur la réalité profonde de tout un programme politico-religieux mis en place par l’État égyptien sous influence occidentale ; politique dont la plupart de ses contemporains ne soupçonnaient ni l'origine, ni le but, et encore moins les résultats. Or, ce qu'il nous décrit ici, nous plonge directement au cœur de l'histoire de la Guerre Froide et son influence au Moyen-Orient : période cruciale dont nous gardons encore aujourd'hui des stigmates très visibles.
Sayyid Qotb se livre à un réquisitoire contre ce qu'il nomme « l'Islam américain ». Concis, clair et simple, sujet d'une importance cruciale, l'article révèle la mise en place d'une stratégie politique globale par l'administration américaine pour contrer l'expansion du communisme dans les pays arabes.
Nous l'avons déjà mentionné, Sayyid Qotb en tant que penseur islamique fortement attaché à l'intégrité de l'Islam, voit d'un très mauvais œil l'utilisation de l'Islam à des fins purement utilitaires, servant non pas ses propres intérêts généraux, mais avant tout ceux des pays occidentaux, et par ricochet, ceux des pouvoirs séculiers locaux qui émergèrent après les Indépendances.
La soudaine multiplication des sujets liés à l'Islam, la diffusion d’œuvres islamiques dans différents médias (journaux, radios et livres) la brusque liberté accordée à cet effet, la mise en place de discours apologétique vantant tel ou tel aspect de l'Islam paraît bien évidemment suspect aux yeux de certains intellectuels musulmans, Sayyid Qotb en tête. Ce dernier comprit très vite qu'il ne s'agissait pas de mettre réellement en valeur l'Islam et son projet politique et social pour les Musulmans : mais simplement d'user de tout le potentiel anticommuniste présent dans celui-ci pour faire en sorte que ces mêmes musulmans ne succombent pas à la propagande marxiste et pro-soviétique.
Avec le recul historique, nous savons que cette stratégie politique américaine pour le Proche et Moyen-Orient faisait partie intégrante de la ''Doctrine Truman'' mise en place à partir de 1947 pour endiguer la propagation mondiale du communisme. En Europe, elle eut pour déclinaison le fameux ''Plan Marshall'' : un prêt de plusieurs milliards de dollars pour aider à la reconstruction et empêcher que la pauvreté et la misère sociale ne fassent le lit du communisme.
Ce point économique est important à souligner, car Sayyid Qotb parle explicitement d'un sujet qui lui tient à cœur : celui de la justice sociale avec la Zakât. La Zakât étant pour lui le pilier de la politique économique islamique de redistribution, et un des moyens d'imposer une taxe sur des fonds monétaires thésaurisés afin de garantir une justice sociale dans une société islamique. Il montre que la mise en valeur soudaine de ce sujet très précisément, avec des séminaires financés et organisés par les autorités égyptiennes, est révélatrice de plusieurs contradictions.
Tout d'abord, l'idée d'imposer légalement la Zakât avait déjà été défendue par beaucoup de politiques, d'intellectuels, de prédicateurs et de théologiens depuis de très nombreuses années, en plus d'être une des revendications du mouvement des Frères Musulmans : or celle-ci avait toujours été combattue par l’État égyptien qui avait laïcisé l'ensemble de ces prélèvements obligatoires dès la fin du XIXème siècle.
Pour Qotb, les Américains ont compris que la mise en place de la Zakât pouvait faire barrage à l'influence communiste en obligeant une redistribution et un partage des moyens financiers et revaloriser le pouvoir d'achat des couches les plus pauvres dans le pays. Cette zakât serait donc une sorte de ''plan Marshall arabo-musulman à moindre frais'' puisque les USA n'auraient à débourser aucun dollar. Or, ce fait démontre bien pour lui que la soudaine publicité autour de ce sujet est totalement opportuniste et islamiquement insincère.
Surtout que pour Qotb l'esprit et les buts finaux qui découlent de l'imposition de la Zakât sont aussi foncièrement anti-capitalistes, puisqu'elle combat l'accumulation excessive de richesse monétaire et financière par une minorité de ''capitalistes'' ; sachant de plus que l'épargne thésaurisée est une des bases du système bancaire et du crédit dans les économies libérales. L'esprit capitaliste bancaire rémunère l'épargne comme moyen de crédit, alors que l'esprit islamique marchand la taxe au-delà d'un certain seuil, pour l'obliger à s’intégrer et à circuler dans un système économique et financier sain et stable, sans spéculation liée à l'incertitude du Futur.
Ainsi, Sayyid Qotb montre déjà que les Américains se leurrent et se trompent en usant de ce qu'il leur paraît anticommuniste dans l'Islam, sans en percevoir ce qui est totalement anti-capitaliste.
Ici, c'est déjà face à toutes les contradictions de la politique américaine envers l'Islam pendant la Guerre Froide que Sayyid Qotb dresse une sorte de procès-bilan, avec 40 ans d'avance, sur ses résultats finaux : la future confrontation des USA et de ses intérêts avec l'esprit civilisationnel de l'Islam et ses objectifs. Mais avant d'en arriver là, ce que nous révèle aussi « l'Islam américain » est bien plus immédiat que cela, et mérite tout particulièrement notre attention.
L’émergence de l'Islam dit ''politique'' au XXème siècle a souvent fait l'objet de fantasmes en tout genre, qui n'épargnent plus les milieux universitaires et scientifiques occidentaux. Nous avons démontré par l'expérience et par la preuve que l'école conspirationniste se nourrissait de faits historiques réels mais qui se transformaient avec des biais subjectifs et finissaient par imposer une nouvelle réalité, en se substituant à l'objectivité historique.
L'émergence de mouvements islamiques au XXème siècle, puis l'intérêt américain envers eux lors de la Guerre Froide suit parfaitement ce schéma. L'ensemble de cette vaste famille islamique, des mouvements dits salafistes, des Frères Musulmans au wahhabisme saoudien, tous ont pu à un moment historique profiter de l'effet de souffle dudit ''Islam américain''. C'est à dire profiter de cette stratégie politique US énonçant qu'en terre d'Islam, il fallait appuyer les forces traditionalistes et conservatrices musulmanes (par essence farouchement anticommunistes) pour empêcher l'URSS d'y prendre pied.
Ce texte qui a pour titre « l'Islam américain » a ceci de surprenant qu'il dénonce le complot américain dans son utilisation de l'Islam contre l'URSS, tout en étant finalement anti complotiste car refusant justement d'être complice et collaborateur de cette politique pro-USA.
Qotb met en garde contre la stratégie américaine dans la région et particulièrement en Égypte, et donc d'une certaine manière il dénonce aussi le complot historique réel visant à ne faire de l'Islam qu'un simple outil dans le jeu géopolitique local. Mais il est tout aussi anti complotiste, puisque la présence de Sayyid Qotb (lui-même penseur politique d'un islam intégral) vient perturber la simplicité des raisonnements conspirationnistes actuels, qui suggèrent que l'Islam dit politique serait une création occidentale.
L'article de Qotb montre parfaitement les limites de la vision complotiste, puisque les forces vives de l'Islam étaient historiquement présentes bien avant la mise en place de ces tactiques opportunistes qui, à court terme, ne visent simplement qu'à aider ''l'ennemi de l'ennemi prioritaire'' (Doctrine Truman) celui-ci étant ''allié'' mais pas forcément ''ami''.
Le principal message politique qui ressort de ce texte est de préserver l'intégrité, l'autonomie et l’indépendance de l'Islam, de ses intérêts et de ses objectifs propres. Si l'Islam est anticommuniste, il ne l'est pas pour faire plaisir aux intérêts américains, et d'ailleurs, il est tout autant anticapitaliste et antilibéral[1]. Qotb refuse la manipulation de l'Islam au service d’intérêts étrangers sans même garantir les siens. Or, très justement, en fin de texte, Sayyid Qotb évoque les « Garants de l'Islam » : ceux qui ont le seul et unique objectif de faire triompher l'Islam.
Il suggère bien que ces garants peuvent profiter (eux aussi de manière opportuniste) des effets locaux de politiques décidées à l’étranger. Ils peuvent participer à ces séminaires ''islamiques'' qu'il dénonce, car décidés et financés par les ennemis de l'Islam, tel celui consacré à la Zakât, par exemple. Le simple fait que les « Garants de l'Islam » débattent avec les ''Marchands de la Religion'' (justement complices et collaborateurs de l'Islam américain) pour imposer la Zakât islamique dans l'ensemble de son esprit et non pas seulement la ''Zakât américaine'', perturbe positivement, pour Qotb, l'ensemble des plans de ceux qui, justement, complotent.
Les enseignements historiques, politiques et religieux que nous pouvons tirer de cet article sont nombreux. L'origine et la finalité des politiques, le sens de l'engagement, ainsi que les intentions que mettent les différents acteurs en présence, sont toujours très importants à déterminer pour Sayyid Qotb, car ils permettent de comprendre la complexité de la réalité et de ses influences, de pouvoir faire la distinction entre ''Garants de l'Islam'' et ''Marchands de la Religion''. L'objectif est de préserver et protéger l'intégrité de l'Islam et surtout de savoir comment agir en conséquence pour garantir au mieux ses propres intérêts.
L''Islam américain'' nous évoque aussi des enjeux très contemporains, il nous renvoie à une actualité politique très chargée qui puise ses racines dans l'histoire troublée de cette région. « L'Islam américain » nous rappelle d'ailleurs toutes ces contradictions finales (et actuelles) en la personne du prince héritier d'Arabie Saoudite : Mohammed Ibn Salman.
Dans une interview, au Washington Post, il avouait que « ...Les investissements pour les Mosquées et les madrassas à l'étranger ont pour origine la Guerre Froide, quand les alliés occidentaux ont demandé à l'Arabie saoudite d'utiliser ses ressources pour contrer l'influence de l'Union soviétique dans les pays musulmans »[2] ; confirmant ce que nous savons pertinemment de l'Histoire politique régionale. Quelques jours auparavant, ce dernier avait encore affirmé :
« Nous avons utilisé les Frères Musulmans pendant la Guerre Froide... C'est ce que l'Amérique voulait que nous fassions. Nous avons eu un roi qui a payé de sa vie en essayant de contrer ces gens, le roi Fayçal...»[3]
Le but n'est pas de montrer la contradiction d'allégations calomnieuses et historiquement totalement infondées[4], mais juste de prouver finalement que « l'Islam saoudien »[5] est en parfaite symbiose avec « l'Islam américain » que dénonçait déjà Sayyid Qotb. Et que cet islam suivait étrangement toujours assez bien les directives générales de la Maison Blanche, les enjeux politiques de la stratégie US et de leurs intérêts dans la région. Tout cela au gré des décennies et de leurs changements : auparavant un islam anticommuniste et aujourd'hui un islam ''anti-islamiste''...
Mais il est vrai, encore une fois comme l'affirmait Sayyid Qotb, que « l'Islam américain » permet toujours de faire la distinction entre un Mohammed Ibn Salman et un Fayçal Ibn ‘Abd Al ‘Azîz, entre les versatiles ''Marchands de la Religion'' et les sincères ''Garants de l'Islam''...
Aïssam Aït-Yahya
« L'Islam américain »
Les Américains et leurs alliés s'intéressent à l'Islam ces derniers temps : ils en ont besoin pour combattre le communisme au Moyen-Orient, après qu'ils aient pourtant passé neuf siècles ou plus à le combattre depuis l'époque des croisades !
Ils en ont besoin, comme ils ont besoin aujourd'hui des allemands, des japonais et des italiens, qu'ils ont pourtant détruits lors de la dernière guerre, puis ils tentent aujourd'hui par tous les moyens de les redresser pour qu'ils fassent face au monstre communiste. Or, ils pourront décider demain de les détruire à nouveau s'ils le veulent !
L'Islam que veulent les Américains et leurs alliés au Moyen-Orient n'est pas l'Islam qui s'oppose au colonialisme[6], et non l'Islam qui s'oppose à la tyrannie, mais seulement l'Islam qui résiste [pour eux] au communisme !
Ils - les Américains - ne veulent pas que l'Islam domine, et ils ne supportent pas que l'Islam gouverne, car quand l'Islam régnera, il formera un nouveau peuple, et il apprendra aux peuples [musulmans] que la préparation de la force est un devoir, et que le communisme est un fléau tellela colonisation, tous deux sont un ennemi, tous deux sont une agression.
Donc, les Américains et leurs alliés veulent un islam américain pour le Moyen-Orient, et ils propagent une vague d'Islam partout, c'est pour cela que les discours sur l'Islam vont commencer dans la presse égyptienne ici et là.
Et les discussions religieuses noient des pages entières dans des journaux qui n'avaient jamais été connus pour leur amour de l'Islam, ni par la connaissance de l'Islam... Les maisons d'édition – parmi elles des américaines connues de tous - découvrent soudainement que l'Islam doit être le sujet de ses publications mensuelles.
Des écrivains célèbres, avec un passé connu dans la propagande en faveur des alliés, en viennent maintenant à réécrire sur l'Islam. Ils écrivaient auparavant sur ces sujets, pendant la dernière guerre, mais s'en sont vite détournés après la victoire des alliés[7].
Et les gens de religion, qui auparavant étaient bannis [de la scène publique], se voient désormais devenir importants et ils acquièrent soudainement un statut et un pouvoir, et des récompenses sont même offertes pour la compétition entre l'Islam et le communisme.
Ce qu'on appelle l'Islam et ce qui est négligéCependant l'Islam qui lutte contre le colonialisme – tout comme il doit combattre le communisme - ne trouve bizarrement personne d'entre tout ce monde pour parler de lui... Et l'Islam qui gouverne la vie et la gère, n'est mentionné par aucun d'entre eux.
L'avis de l'Islam peut être mentionné dans le problème de la contraception, il peut être consulté au sujet de l'entrée de la femme au Parlement, et il est permis de prendre son avis pour les annulations d'ablutions : mais jamais concernant nos systèmes sociaux, économiques ou financiers, jamais concernant nos situations politiques et nationales, ou à propos des relations avec le colonialisme.''La démocratie dans l'Islam'' ou ''La bienfaisance dans l'Islam'' ainsi que ''La justice dans l'Islam'' peuvent être traitées dans un livre ou un article. Par contre ''La gouvernance de l'Islam'' ou ''La législation de l'Islam'' et '' La victoire de l'Islam'' : aucune plume, ni discussion, ni référendum ne doivent s'en approcher[8].
Islam et ZakâtAprès tout cela, nous en en sommes arrivés au point que cet islam américain a su que dans l'Islam, il existait quelque chose appelé "Zakât". Il a su que cette zakâtpourrait résister au mouvement communiste si elle était reprise au nouvel Orient. C'est pourquoi le « Séminaire d'études sociales » organisé en Égypte l'année dernière a soudainement examiné l'histoire de cette « zakât» ou a étudié la question de « la solidarité sociale dans l’Islam ».
Mais comme ce sont les États-Unis qui étaient derrière le séminaire d'études sociales, les responsables [politiques] égyptiens ne se voyaient pas être contre ce sujet de la Zakât, comme ils l'étaient pourtant le jour où ‘Abd Al Hamîd ‘Abdul Hâq, Ministre des affaires sociales y avait pensé bien avant eux !
Les responsables [politiques] peuvent bien tenir tête à la zakâtdu moment que celui qui l'ordonne est Allah. Mais quand arrive le jour où l'ordre vient de l'Amérique, il ne leur reste alors plus que la soumission et l’obéissance.
Ainsi, un comité rassemblant certains professeurs de charî'aà l'université, certains hommes d'Al-Azhar et certains pachas, a été formé en Égypte pour étudier la question de la « solidarité sociale en Islam », en particulier l'histoire de la Zakât, non pas en voulant la face d'Allah ni pour la nation, mais plutôt pour les Américains et pour le compte du séminaire des études sociales.
Et ici réside le dangerSi les Américains connaissaient la réalité de la solidarité sociale dans l'Islam, ils l'auraient rendue obligatoire au Moyen-Orient, parce qu'ils ne trouveraient pas de barrière plus forte qu'elle contre le communisme.
Or, la solidarité sociale dans l'Islam impose des charges sur les biens, elle exige certains devoirs et reconnaît le droit à la vie à des millions de personnes. Sans cela, les nuques seront tranchées. Il est donc inévitable de cacher ce sujet aux Américains ! On n'échappe pas à la ruse avec les textes, et l’on ne peut se soustraire aux charges imposées par l'Islam sur l'argent : ne ressortira de ce Comité qu’une seule chose, ils ne retiendront de la Zakât elle-même qu’une ombre pâle, ne portant que sur des bagatelles et ne touchant à l'argent qu'avec un gant de soie[9].
Si l'ordre était celui d'Allah et de la Religion, passe encore, mais l'ordre vient des Américains ! Ce que la législation islamique édicte est une chose, et ce qui est décidé par le séminaire d'études sociales en est une autre ! Le séminaire d'études sociales ne doit pas connaître le secret de l'Islam, qu'elle ignore, sinon elle l'imposera aux gens de l’Islam ! Mais certains membres de la Commission sont des partisans obstinés qui ne savent pas cacher des textes, ils ne savent pas croire en une partie du Livre et mécroire en une autre, et ne savent pas comment commercer les versets de Dieu à un petit prix[10].
Ces membres s'acharnent à montrer aux Américains le dangereux secret, et les autres membres souffrent encore de leur acharnement, et Dieu seul sait comment les choses se passent !
Mais l'Islam à ses garantsC'est une farce, ou plutôt une tragédie... Mais en guise de réconfort contre tout cela, gardons en tête que l'Islam a ses propres garants qui travaillent pour lui seul et affrontent le colonialisme, la tyrannie et le communisme, Ses garants qui savent que l'Islam doit gouverner pour que ses fruits soient parfaits, Ses garants qui ne sont pas trompés par l'amitié des Croisés, dont l’Islam, en dépit des prétentions récentes inverses, n’a jamais vu la couleur, alors qu'ils étaient en guerre contre lui pendant 900 ans.
Les gardiens de l'Islam ne demandent pas en son nom par bonté et bienfaisance, mais exigent en son nom une justice sociale complète, ils n'en font pas un instrument pour servir le colonialisme et la tyrannie. Mais ils veulent qu'il soit juste, fier et digne, ils ne s’en servent pas de couverture publicitaire, mais le brandissent plutôt comme bouclier dans la lutte pour la Vérité et l'éminence.
Quant à ceux qui proclament l’Islam tel un slogan ces temps derniers, quant aux marchands de religion aux quatre coins du Moyen-Orient, quant à ceux qui en profitent et jouent avec la religion tels des charlatans :Tous, sans exception, font partie de l’écume qui charrie les déchets quand la marée suit son cours, et la marée [islamique] suivra son cours rapidement, plus vite que beaucoup ne le pensent, ils imaginent l’échéance tardive, nous la voyons pour bientôt.
''Allah a promis à ceux d’entre vous qui ont cru et fait les bonnes œuvres qu’Il leur donnerait la succession sur terre comme Il l’a donnée à ceux qui les ont précédés. Il donnerait force et suprématie à leur religion qu’Il a agréée pour eux. Il leur changerait leur ancienne peur en sécurité. Ils M’adorent et ne M’associent rien.'' [Sourate 24 : Verset 55]
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[1] Au sens que lui donne la philosophie politique occidentale.
[2] « Asked about the Saudi-funded spread of Wahhabism, the austere faith that is dominant in the kingdom and that some have accused of being a source of global terrorism, Mohammed said that investments in mosques and madrassas overseas were rooted in the Cold War, when allies asked Saudi Arabia to use its resources to prevent inroads in Muslim countries by the Soviet Union. » Washington Post, 22 avril 2018.
[3] Interview avec Jeffrey Goldberg pour ''The Atlantic'', 2 avril 2018. Article intitulé : « Saudi Crown Prince: Iran's Supreme Leader 'Makes Hitler Look Good' »
[4] Mohammed Ben Salman (MBS) insinue ici que les Frères Musulmans ont assassiné le roi Fayçal en 1975. Il est pourtant bien connu que ce dernier a été abattu en public avec un revolver par son propre neveu Fayçal Ibn Musa'id, et que le roi Fayçal avait une relation personnelle très positive avec de nombreux leaders Frères Musulmans. Son neveu Fayçal Ibn Musa'id, personnage énigmatique, n'avait aucun lien avéré avec l'organisation islamique. Plusieurs zones d'ombre subsistent et plusieurs mobiles ont été avancés pour expliquer ce meurtre.
Il aurait voulu venger son frère Khâlid, fervent militant wahhabî, abattu par la police en 1966 lors d'une violente manifestation contre l'introduction de la télévision en Arabie Saoudite (hypothèse privilégiée par les occidentaux...). Il aurait voulu se venger du refus du roi d'augmenter sa pension princière (hypothèse privilégiée par certains officiels saoudiens).
D'autres ont évoqué plusieurs commanditaires possibles de l'assassinat. Tels les services secrets d'un pays communiste : On note que Ibn Musa'id a effectué un curieux voyage en Allemagne de l'Est (RDA). Cette hypothèse, sur fond de Guerre Froide, n'est plausible que si l'on se base sur les relations internationales et la place de l'Arabie Saoudite dans le dispositif anti-soviétiquemis en place par les USA, d'autant plus que le roi Fayçal faisait un intense lobbying auprès du président égyptien Anouar al Sadate pour le pousser à rompre ses relations avec l'URSS (néanmoins cette explication paraît très incertaine). D'autres évoquent l'inévitable piste ''CIA-Mossad''.
On sait par ailleurs que la petite amie américaine du prince meurtrier, Christine Surma, avait exprimé le souhait de voir s'installer une paix entre Israël et les pays arabes, mais affirmait en même temps que cela ne serait pas possible avec la présence du roi Fayçal. Cette piste est plus plausible que la piste soviétique, surtout si l'on met en perspective la personnalité de Fayçal plus indépendante vis à vis des USA, qui n'a pas hésité à punir l'Occident par l'arme du pétrole pour son soutien à Israël lors de la guerre de 1973.
A cela s'ajoute son sincère panislamisme, évidemment anti-israélien et pro-palestinien, or les tensions depuis l'arrivée à Washington de Gérald Ford (pro-israélien) étaient à leur comble. Le souhait américain et israélien d'avoir un roi plus docile à la tête de l'Arabie saoudite était unanimement partagé en Occident dépendant du pétrole.
Quoi qu'il en soit, pour les autorités saoudiennes de l'époque, le simple fait que Fayçal Ibn Musa'id était connu pour être un consommateur d'alcool et de drogue (déjà condamné aux USA pour trafic de LSD lorsqu'il y était étudiant) fut suffisant pour clore l’enquête, le déclarer fou et le condamner à la peine de mort par décapitation, clôturant ainsi le dossier.
Finalement, nous le percevons assez bien, l'insinuation grotesque de Mohammed Ibn Salman ne repose sur rien, mis à part de l'opportunisme politicien au service des intérêts arabo-occidentaux anti-islamiques en reprenant les accusations contre les Frères Musulmans. Si le complotisme transparaît dans le propos de MBS, nous savons par ailleurs que pour nombre d'apologistes pro-gouvernementaux saoudiens, égyptiens et émiratis, l’obsession anti Frères Musulmans est une refondation (occidentalement plus acceptable !) de l'ancienne obsession du complot judéo-maçonnique...
[5] Du moins, « l'Islam gouvernemental saoudien » ...
[6] Il faut comprendre de manière large les termes colonialisme/colonisation comme un ''Impérialisme occidental''. Ainsi on comprend alors que même les USA sont visés par Qotb bien qu'ils n'aient jamais colonisé au sens européen du terme.
[7] Il vise clairement les auteurs comme Taha Husseïn ou son ancien modèle Mahmoud 'Aqqad.
[8] Comme ce passage nous semble si contemporain à nos yeux ! Nous sommes tentés de réactualiser ce constat de Qotb. De manière générale, écrire sur la tolérance en Islam, la paix, l'amour et la fraternité, les droits humains en Islam, la liberté, la spiritualité, la douceur et le bon comportement, les droits du voisin, l’éthique, l’écologie et le respect de l'environnement, sont des œuvres extrêmement utiles et importantes, qui touchent très souvent à des fondements indéniables de l'Islam.
Mais elles ne sensibilisent les Musulmans que de manière individuelle, des musulmans vivant souvent dans un ordre politique et social non islamique. C'est à dire que ces œuvres servent des intérêts globaux qui peuvent finalement s'avérer très utiles au système dans lequel ils vivent, c'est d'ailleurs pourquoi ce système les tolère de manière très opportuniste pour en tirer bénéfice lui-même.
De plus, si ces œuvres n'étaient destinées qu'aux musulmans vivant en minorité dans les pays non-musulmans, cela pourrait se comprendre. Car le problème est que ces œuvres ne visent généralement pas ces musulmans dans leur conscience politique collective propre, sauf si elles sont écrites de manière à s’inscrire dans un projet islamique global et indépendant, ce qui n’est très généralement pas le cas...De plus, si on considère la situation politique de l'Islam en termes de projet de civilisation, on voit bien que certains sujets cruciaux sont soigneusement évités pour faciliter la dilution de l'Islam dans le processus de Mondialisation libérale qui possède ses propres piliers et fondements.
Sans citer les publications plus vicieuses et dangereuses qui cherchent directement à pervertir le fondement de l'Islam, ces sujets tournant autour de la compatibilité de l'Islam avec la Modernité, la démocratie, la laïcité, la liberté sexuelle ou l'humanisme prométhéen, et désormais avec l'idéologie libérale libertaire. Dans ce petit passage, Sayyid Qotb parait déjà viser l'ensemble de ces problématiques.
[9] Qotb veut montrer que les conclusions de ce comité ne pourront être que bancales car :
- Soit la zakât qu'ils décideront d'appliquer ne sera pas la zakât intégrale mais une copie limitée et restreinte,
- Soit ils décident d'imposer la zakât intégrale mais qui risquera aussi de nuire aux intérêts américains.
De plus, on peut aussi penser que germe dans l'esprit de Qotb la question de la pertinence générale de ce projet : comment pouvoir imposer seulement la Zakât dans une société où l'ensemble de l’édifice politique économique et social ne fonctionne pas de manière islamique ?
[10] Qotb évoque ceux qui, ici, débattent en faveur de l'imposition de la zakât dans son entièreté et le fait qu'elle est aussi un impôt anti capitalistique.
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